Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES RITES DU MARIAGE AU MAROC L’EXEMPLE DES TRIBUS AMAZIGHES DE BENI OURAYNE

Issue 9
LES RITES DU MARIAGE AU MAROC L’EXEMPLE DES TRIBUS AMAZIGHES DE BENI OURAYNE

Dans la société ouraynie, vivre en dehors du cercle familial n’a pas de sens. Le jeune homme en âge de se marier ne peut se passer du conseil de son père en ce qui concerne le choix de celle qui viendra partager sa vie et qui devra convenir à sa famille autant qu’à lui. D’un autre côté, le jeune qui se dérobe à la conjugalité devient un membre isolé et marginal, au sein de la communauté, laquelle ne le reconnaîtra que le jour où il aura consenti à prendre femme.

La famille est donc l’élément central autant que vital de la vie communautaire, à l’intérieur de la société tribale ouraynie. D’elle dépendent son dynamisme et son évolution.

A l’instar de toutes les sociétés humaines, la famille ouraynie se construit sur la base de l’institution du mariage qui implique la soumission à des mécanismes qui lui confèrent une physionomie par laquelle les Ouraynis se distinguent des autres types de société, quand bien même certaines de ses caractéristiques pourraient rappeler, ici et là, d’autres formations tribales ou sociales, comme celle des Fassis (ville de Fez).

Concernant les rites du mariage en vigueur dans la société ouraynie, l’auteur se pose un certain nombre de questions dont la réponse exige une approche anthropologique fondée sur la description, l’observation et la comparaison : comment s’organise le mariage chez ces tribus ? quelles en sont les différentes étapes ? comment se fait la demande en mariage et quels en sont les mécanismes ? quelles sont les modalités et exigences de la cérémonie de mariage ? Ces questions doivent, bien évidemment, être précédées par une première interrogation : pourquoi écrire sur le mariage chez les Ouraynis ?

Parler de ce type de mariage et en faire un objet de recherche ne signifie nullement qu’il faille considérer cette réalité comme relevant d’on ne sait quelle culture utopique ou d’une sorte de fétichisation du folklore car la disparition – voulue et planifiée – de ce type de mariage nous fait obligation de le documenter et d’en conserver la mémoire par l’écriture

. Comme tout chercheur enquêtant sur la littérature populaire et, plus particulièrement, dans son volet oral, l’auteur a abordé les aspects volontairement occultés de la question, en partant du principe que le mariage, en tant que cérémonie, n’est pas en soi un simple moyen de divertissement populaire, mais constitue, avant tout, un moyen de communication sociale. Ainsi le mariage sera-t-il perçu, comme un des canaux de convergence, d’échange et d’information, au plan social. On n’y trouve nulle trace d’inégalité sociale, il n’engage pas non plus telle catégorie sociale, à l’exclusion de telle autre, au contraire, tous ceux qui y participent y fusionnent, en un tissu social cohérent qui apparaît comme une mosaïque intégrant jusqu’au citadin qui va se fondre à l’intérieur de cette sorte de tableau gestaltiste.

Sur cette base, il convient de ne pas considérer le mariage chez les tribus ouraynies comme une spécificité locale, du moment que chacun s’y trouve intégré, du fait qu’il est présent à la cérémonie. Plus précisément, il importe de ne pas considérer les rites ouraynis liés à un tel événement, et plus généralement l’élément folklorique, comme étant exclusivement bédouin. Il ne faut pas non plus croire qu’il serait réservé à une classe sociale, en particulier.

Le système matrimonial chez les tribus des Béni Ourayne constitue moins un fonctionnement spécifique à cette communauté que la matérialisation d’une identité culturelle et d’une organisation fondée sur l’entraide et la cohésion sociale.

Le paradoxe qui mérite examen réside, ici, dans la progressive disparition qui commence à se profiler des rites liés au mariage, du fait de l’intrusion de la culture citadine à l’intérieur des structures de la société tribale ouraynie. Il est nécessaire, aujourd’hui, d’opérer le sauvetage de ces rites et d’en assurer la conservation, ne serait-ce qu’au niveau de la documentation et de l’archivage, d’autant que ces rites donnent au plus large éventail de gens l’occasion de parler d’eux-mêmes et de ce qui les entoure, et qu’il serait à craindre que cette parole ne soit réduite au silence, sous le poids des cultures pseudo nationales.

Idriss MAKBOUB (Maroc)

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