D’UNE NAVIGATION A L’AUTRE…

Nous devons toujours avoir l’esprit les caractéristiques essentielles de tel ou tel milieu, en ce qu’elles ont de spécifique, afin de comprendre les raisons objectives qui ont conduit une société donnée à développer tel type ou telle forme de récit qui sera conté à ses enfants, dans les moments où ceux-ci se réfugient auprès des leurs, à la recherche d’un réconfort, d’un enseignement utile ou d’un peu de chaleur qui dissipe les craintes liées à la nuit ou au mystère de l’univers et réponde aux questions lancinantes qu’ils se posent.

Nous devons également connaître la nature des activités économiques, dans les différents milieux, afin de comprendre l’émergence, la nature et la fonction des multiples expressions artistiques de la parole populaire. Nous devons, enfin, à partir de là, dégager la matrice, tant humaine que sociale, qui conditionne la naissance de tous les types de création populaire, car c’est ainsi que l’on peut comprendre qu’il ne saurait y avoir en la matière de génération spontanée ni d’émergence accidentelle, que les arts populaires sont, en toute circonstance, une réponse à un besoin.

Les coutumes et les modes de vie ont changé, les besoins évolué et les outils de notre temps, peu à peu, envahi les différents domaines de l’existence, et l’on a vu apparaître et se multiplier les médias numériques. Bien des liens familiaux et sociaux se sont distendus, la machine devenant un refuge autant qu’un moyen de communication entre les hommes. Et, comme si les gens ne trouvaient plus dans les diverses réunions ou manifestations sociales une occasion pour se rencontrer et nouer de nouvelles amitiés, l’Internet, avec les diverses formes de navigation qu’il a fait naître, est devenu l’intermédiaire par excellence entre les gens

La technologie numérique est désormais la marque en même temps que la culture de notre époque ; l’ignorance dans ce domaine est désormais considérée comme une autre forme d’analphabétisme, non moins grave que l’illettrisme, qui fut et demeure responsable du retard de tant et tant de sociétés humaines. L’homme n’a eu de cesse à cet égard de développer l’usage de l’outil numérique, inventant

le téléphone portable, puis les jeux électroniques pour enfants, tels que la Play Station, la X Box, le Nintendo et bien d’autres. Subjugués, ces enfants jouent à présent dans un autre univers, bien loin de celui dans lequel ont vécu leurs parents et grands-parents ; tout à leurs machines, ils sont embarqués dans les mondes enchantés où cellesci les entraînent irrésistiblement. Et tout se passe comme si les parents y avaient trouvé leur compte, puisqu’ils leur fournissent à volonté tous ces jeux sur lesquels ils se déchargent du soin de s’occuper d’eux et de leur éducation.

Il reste que l’expansion de l’informatique et de la culture numérique est une fatalité scientifique et civilisationnelle à laquelle nul ne saurait se dérober. Notre souhait est que nos sociétés puissent en tirer les plus grands bénéfices, aux plans culturel et cognitif, mais cela ne saurait justifier l’abandon par les parents de leur mission d’éducateurs au profit de la machine. Est-il nécessaire, par ailleurs, de rappeler les dangers liés à un usage excessif des jeux vidéo, de l’Internet et autres activités en rapport avec le numérique que tant et tant d’études scientifiques ont mis en évidence ? Nous croyons à cet égard qu’il est de la plus haute importance de rappeler que l’attrait exercé par ces technologies ne saurait en aucune façon se substituer à la relation directe que les enfants doivent entretenir avec leurs parents et grands- parents. Car quelle que soit la magie de la machine, celle-ci ne peut remplacer la chaleur que l’enfant trouve en ces moments où il se réfugie auprès de son père, de sa mère ou de sa grand-mère pour écouter tel ou tel récit que l’un ou l’autre trouvera à lui raconter. Il y a là un flux de tendresse, un apport d’affection et un voile de protection qu’aucune machine ne saurait lui fournir.

Entre une séance de navigation sur le net et une autre l’enfant va trouver auprès de ses parents une quiétude, un apaisement, un moment de communication qu’aucune navigation ne saurait lui apporter. La vigilance en ce qui concerne ce volet de la formation de l’enfant ne vise pas seulement à assurer le développement de son humanité, de son équilibre, de sa personnalité harmonieuse ou de son enracinement dans le milieu qui est le sien, elle vise aussi à assurer l’équilibre et la cohésion de l’ensemble de la société.

notre culture populaire témoigne, en ce qu’il a d’essentiel, de notre attachement à défendre l’équilibre de tout être humain, à toutes les étapes de son existence, depuis la plus tendre enfance jusqu’à l’âge d’homme, équilibre inséparable de l’acquisition des savoirs les plus récents tout autant que de l’enracinement le plus puissant qui soit dans le milieu qui est le sien.

Mohamed Negib Nouiri

Coordinateur du Comité scientifique

Directeur de la rédaction PRÉFACE