Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA FABRICATION ARTISANALE TRADITIONNELLE DES SELLES EN TUNISIE

Issue 65
LA FABRICATION ARTISANALE TRADITIONNELLE  DES SELLES EN TUNISIE

Salah Falhi. Tunisie

 

La sellerie représente une part importante de la mémoire vivante de l’histoire de la Tunisie. Elle est liée à la chevalerie et à sa riche culture. Cet artisanat est classé parmi un ensemble de métiers nobles exercés par les familles les plus réputées de la ville de Tunis ou d’autres villes du pays. Ces métiers étaient transmis de père en fils à l’instar d’autres pratiques artisanales élevées comme la parfumerie, la soie ou la fabrication des couvre-chefs traditionnels appelés chechia. La profession a connu son apogée au cours du XIXe siècle, époque où les ruraux représentaient 80% de la population de la Régence de Tunis et formaient un marché intérieur important pour la sellerie. 

Les selles tunisiennes étaient de deux types : selles ordinaires et selles de haute qualité. Ces dernières étaient ornées de broderies faites à partir de matières précieuses comme l’or, l’argent ou la soie. Mais le développement des moyens modernes de transport et l’extension du réseau ferroviaire ont conduit, depuis le début du XXe siècle, à un recul progressif de l’usage des chevaux. Bien d’autres mutations économiques et sociales sont, en outre, survenues, en lien avec la politique coloniale qui visait en premier lieu à appauvrir les Tunisiens, citadins et ruraux. L’exode des campagnards vers les villes s’est intensifié, notamment au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Il s’ensuivit une stagnation du marché intérieur conséquente au changement du mode de vie de la population, à quoi s’est ajouté le problème de la concurrence étrangère, même si la sellerie en a moins souffert que les autres métiers.

Ces évolutions ont contraint artisans à se tourner vers des produits industriels qui étaient moins chers afin de baisser les coûts de production. Il en a résulté un recul sur le plan qualitatif des selles tunisiennes et un déclin de leur valeur artistique, ce qui s’est traduit par une crise qui a graduellement entraîné une stagnation de la profession. Les nouvelles générations ont alors peu à peu abandonné la sellerie. Cette situation nous impose, aujourd’hui, d’œuvrer à documenter cet artisanat afin d’en conserver la mémoire historique, vu l’importance qu’il a revêtu et sa contribution à l’édification de l’identité nationale que l’on peut considérer comme la résultante globale et toujours en devenir d’un large éventail de spécificités, culturelles et autres. 

 

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