Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA DIFFUSION DU CONTE POPULAIRE À L’ERE DU DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE De la transmission orale aux médias électroniques

Issue 63
LA DIFFUSION DU CONTE POPULAIRE À L’ERE  DU DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE De la transmission orale aux médias électroniques

Rahmani Al Taïeb. Maroc

Diverses influences ainsi que d’autres facteurs, littéraires pour certains, sociaux, culturels, religieux pour d’autres, interagissent à l’intérieur du conte populaire, faisant de ce type de récit l’objet de nombreuses recherches qui visent à en découvrir les secrets artistiques, la portée sociale et les affinités qui le rattachent à d’autres arts et à d’autres préoccupations intellectuelles.

Même si les contes populaires partagent avec d’autres types de récits l’essentiel de leurs spécificités artistiques ou structurelles – événements, personnages, temps et espace du récit, discours descriptif et/ou narratif –, ils se distinguent par le nombre des sources où ils puisent et qui en font un des éléments constitutifs de l’identité propre à un peuple donné.

Le conte populaire ne résulte pas de l’inspiration d’un moment ni de l’art d’un écrivain, c’est le legs de générations dont le génie s’est formé sur la longue durée et dont les éléments constitutifs se sont complétés d’une époque à l’autre, agglomérant des composantes puisées à diverses sources. Et c’est ensuite tout un peuple qui s’est accordé, toutes catégories confondues, pour en « écrire » le texte avant que le récit ne prenne forme dans la bouche d’un narrateur ou l’écoute d’un auditeur. 

Cet art est devenu un moyen pédagogique et éducatif que se transmettent les générations. Les séances pendant lesquelles le conte est narré ont toujours représenté des moments d’émotion et d’éducation où l’on voit la mère ou la grand-mère prendre place et se mettre à parler aux enfants que berce le sommeil tandis que se glissent en eux les doux sentiments de l’affection, de l’attachement, de la fidélité, de la sincérité, de la justice, de la paix, de la sécurité… Et voilà que se sont peu à peu matérialisées la forme des choses et la succession des événements, et que narration, éducation et pédagogie se sont entremêlées.

Le patrimoine narratif populaire arabe est aujourd’hui menacé d’abandon en raison de la révolution informatique qui a fait que les enfants sont de plus en plus accaparés par les jeux électroniques qui exercent sur eux un irrésistible attrait du fait de l’impact de l’audiovisuel et de toutes les formes de mimétisme, d’interactivité, d’émotion qu’il induit. L’on voit ainsi l’enfant développer inconsciemment une addiction aux jeux, captivé qu’il est par les étapes successives du jeu dans lequel il s’est laissé prendre. Une grande partie de sa journée est dès lors dévorée par cette passion qui va le détourner de tout autre activité, qu’il s’agisse de lire des contes ou de regarder des films d’animation. 

Il est plus que jamais nécessaire d’entamer la réflexion sur de nouveaux mécanismes pour rapprocher le patrimoine narratif populaire des enfants et les amener à y trouver de quoi satisfaire leur passion pour le récit.

Nul doute que l’intérêt pour le conte populaire et l’effort à consentir pour le mettre à la disposition de tous au moyen de la communication orale et à travers les médias audiovisuels s’inscrivent dans le cadre de la préservation d’une part importante du patrimoine immatériel des peuples arabes. Nous avons là aussi une des ressources essentielles pour conserver la mémoire du groupe et éduquer l’enfant à s’attacher à ce qui est sa culture spécifique plutôt que de s’égarer dans les méandres et les labyrinthes de l’industrie étrangère de la fiction. 

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