Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES HABITS POPULAIRES DANS LA PRÉFECTURE D’AL QALIOUBIA ENTRE HISTOIRE ET FOLKLORE À l’origine et à l’époque actuelle

Issue 63
LES HABITS POPULAIRES DANS LA PRÉFECTURE D’AL QALIOUBIA ENTRE HISTOIRE ET FOLKLORE À l’origine et à l’époque actuelle

Ola At-toukhi

Chercheure et universitaire

Égypte

Art et pudeur sont nés des besoins de l’homme primitif qui a mis toute son énergie et toutes ses capacités au service du Beau. Les croyances se sont profondément inscrites dans toutes les actions de ce premier homme, elles se sont développées avec lui si bien que l’objet de ses croyances est devenu pour lui le moyen de se prémunir contre les dangers ou d’en tirer quelque bénéfice. Les croyances ont ainsi occupé une place essentielle dans les habits et marqué de façon festive la mémoire du corps. 

L’attention de l’auteur se porte dans cette étude sur un important village de campagne qui a une longue histoire et dont chaque arpent renvoie à des civilisations antiques qui y ont laissé leur empreinte. La préfecture d’Al Qalioubia a en effet gardé au sein de chacun de ses villages et chacune de ses bourgades de nombreux habits populaires qui se rattachent au plus profond des époques historiques. Ces rémanences se sont incrustées dans les mémoires sur des générations pour nous parvenir sous la forme que nous pouvons observer aujourd’hui. En approfondissant l’enquête dans ce domaine, nous découvrons mainte histoire, mainte aspiration, mais aussi des symboles et des significations en grand nombre.

Les habits féminins les plus connus dans la préfecture d’Al Qalioubia sont ceux du versant maritime de la région, compte-tenu de la situation géographique et de la longue histoire de la préfecture qui ont fait qu’elle n’a guère consenti aux canons de l’art le plus élevé. En témoigne l’habit féminin qui a gardé sa marque populaire distinctive où dans les replis du vêtement se nichent des rémanences de l’ancienne civilisation pharaonique ainsi que des autres civilisations qui se sont succédée dans la région. Ce sont d’ailleurs ces rémanences qui ont induit le sujet de cette recherche.

Les habits dans cette région de l’Égypte sont partie intégrante d’un patrimoine qui s’est transmis jusqu’à nos jours. L’une de leurs caractéristiques est leur fidélité aux us et coutumes. L’habit populaire dans la préfecture d’Al Qalioubia se définit en effet, de façon générale, par le recours à la sefra (coupe, forme) carrée plutôt qu’à la sefra circulaire. L’ordre dans lequel sont disposées les pièces constitutives de cet habit traditionnel sont autant de « marqueurs » qui permettent aux habitants de la région de se reconnaître entre eux. Le chercheur sait que c’est là une organisation ancestrale qui remonte à l’ancienne Égypte, même si des ajouts y furent apportés au cours des âges, avec notamment de courtes ornementations sur le bord inférieur du vêtement. 

Des tissus décorés de dessins sont habituellement choisis accompagnés de rubans et autres accessoires, une coupe plus large à l’entrée des bras donne une impression d’ampleur alors qu’une cassure vers le milieu du vêtement, au niveau de la taille, contribue à créer une impression de longueur si le vêtement est conçu pour être court. La forme de l’habit est en elle-même assez proche de l’alignement des plantes dans les champs.

L’habit populaire est en soi un registre vivant des us et coutumes, des valeurs et traditions qui ont cours à tel moment de l’histoire, et ce moment se trouve, de façon ou d’autre, relié au mode de vie qui prévalait alors de façon générale. Les habits sont porteurs d’un puissant message où se lisent tout à la fois le désir d’appartenance et la volonté de se démarquer. Au-delà de l’envahissement du mode vestimentaire américain que l’on constate actuellement dans beaucoup de régions du monde, nombreux demeurent les peuples qui ont veillé à sauvegarder leur spécificité à travers des formes vestimentaires inspirées de leur histoire. Les habits sont en eux-mêmes la claire affirmation de l’identité, et c’est pourquoi l’expression « habit traditionnel » est employée pour marquer les traits distinctifs de telle catégorie de personnes dans un pays ou à l’intérieur d‘une culture. 

Il en ressort que l’habit populaire est hérité d’âge en âge d’habits qui l’avaient précédé. L’héritage est conservé au niveau de l’allure d’ensemble et varie en fonction du goût populaire qui est lié aux croyances quant au choix et à la répartition des matériaux bruts. Les habits sont une part de l’histoire qu’il importe d’étudier avant de tenter d’y trouver une source d’inspiration ou d’imitation. 

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