LES CROYANCES EXOGENES ET LEUR IMPACT SUR LA CRÉATION ARTISTIQUE LE CAS D’EL ZAR
Issue 60
Mohamed Ahmed Jamel
Royaume de Bahreïn
El Zar est un ensemble de rites et de pratiques cultuelles fondés sur la danse et le chant et dont la finalité est de satisfaire ou de chasser un djinn (génie) qui peut avoir divers attributs (musulman, apostat, méchant, pacifique, terrestre, céleste, etc.). Il peut être aussi bien d’origine indienne, anglaise, égyptienne ou autre. Ce djinn a pris possession d’un être humain de sexe masculin ou féminin et lui a causé du mal (une maladie organique ou psychique, des problèmes sociaux, etc.). S’il souhaite se libérer de cette emprise, le possédé doit se tourner vers des experts en la matière afin qu’ils le libèrent (ou le guérissent) de ce mal. À cet effet, il doit être entièrement disposé à exécuter tout ce qui lui sera demandé (sur le plan matériel ou cultuel) et notamment organiser une cérémonie (ou séance) de zar.
Chacun regardera, évidemment, ce rite selon la vision que sa culture et ses expériences dans la vie ont formée. Le zar chez ceux qui y croient et le pratiquent est un rituel supposé être bénéfique pour l’humain en situation de souffrance autant qu’une médication susceptible de guérir le patient de bien des maladies devant lesquelles la médecine et la chirurgie se sont révélées impuissantes.
Chez les psychologues, c’est une manifestation de caractère psychophysiologique en raison de la performance corporelle où s’expriment les émotions qui y sont liées, avec leur impact en termes de changements internes et externes à la pratique, et de l’état de relaxation et d’apaisement qui s’ensuit.
Il est donc naturel que la perception du zar varie d’une catégorie de personnes à une autre. Chacun le présentera selon les facteurs sociaux, culturels, psychologiques ou religieux qui déterminent son jugement. Peut-être certains inclineront-ils à l’appréhender du point de vue des études descriptives ou analytiques fondées sur la science du folklore, et d’autres à en étudier les rythmes et mélodies à la lumière de la science de la musique des peuples.
Le zir a décliné dans de larges proportions, il n’y a plus personne ou presque pour en parler. On pourrait résumer les raisons de ce quasi-effacement dans les points suivants :
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Le rejet collectif au plan social des pratiques en rapport avec la sorcellerie, si ce n’est dans des limites des plus étroites. On constate même une attitude hostile des populations à son égard, ce qui a conduit les tenants de ce type de pratique à l’exercer dans des endroits éloignés des zones d’habitation, puis, à l’étape suivante, dans des zones connues chez les Bahreïnis comme étant des lieux où se pratiquent prières, offrandes et visites à caractère religieux.
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Le développement civilisationnel et urbain rapide qu’a connu la population bahreïnie après la découverte du pétrole, l’expansion de l’éducation, la création d’hôpitaux psychiatriques qui ont contribué à sensibiliser les gens à l’importance de la médecine moderne et à la nécessité de la substituer à la sorcellerie.
Tels sont les deux facteurs les plus importants qui ont entraîné la disparition du zar du paysage social. Et pourtant, l’auteur n’a pu que constater la persistance d’une résistance instinctive du zar et de ses rites pour surmonter ces préventions, tenter de retrouver un ancrage au sein du corps social et dépasser les obstacles qui s’opposent à sa célébration.