Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA GAMME PENTATONIQUE DANS LA MUSIQUE AFRICAINE

Issue 6
LA GAMME PENTATONIQUE DANS LA MUSIQUE AFRICAINE

D e la naissance à la mort, la musique dans la vie et la pensée de l’homme africain. Dans la joie comme dans la peine, dans les grandes occasions sociales, cérémonies de mariage, de circoncision ou de funérailles, tout autant que dans les mouvements de protestation, l’homme africain accorde la plus grande importance à la musique. Celle-ci, accompagnée de la danse, a même constitué pour les Sud Africains en lutte contre l’apartheid une arme de résistance inégalable. La musique joue également un rôle important dans les cérémonies religieuses, les rites de guérison et le combat contre les esprits du mal. Le tam-tams et bien d’autres instruments africains de musique remontent aux temps les plus anciens, et la danse a toujours eu une influence dans la dynamique sociale de la vie des Africains, aussi bien dans les rituels de la chasse que dans l’appel à la guerre, en amour, dans le mariage que dans d’autres types d’activités. Une présence aussi hégémonique de la musique chez les peuples africains ne peut, en fait, se comprendre qu’à travers cette formule, simple dans son expression mais riche de significations : « la musique c’est la vie. » L’étude traite de la gamme pentatonique qui constitue une des marques distinctives de la musique africaine.

Cette gamme, dont l’influence s’est étendue au monde entier, est également caractéristique des musiques maghrébines et plus généralement arabes ainsi que de celles des peuples de l’est de l’Asie. Elle est devenue un objet d’étude et d’inspiration pour les théoriciens de la musique moderne. L’auteur aborde la question sous l’angle de la musique théorique en examinant les significations liées à la notion de gamme pentatonique dont il analyse les différents aspects techniques et qu’il compare à la gamme heptatonique. Il passe en revue les principaux instruments de musique en usage en Afrique qui sont liés à la gamme pentatonique.

Il met également l’accent sur certaines manifestations de ce type de musique en Afrique du nord, soulignant que toute gamme pentatonique est formée de cinq degrés, classés selon un ordre particulier. Le mot pentatonique lui-même vient du grec et se compose de trois éléments : penta qui signifie en grec cinq, ton qui désigne la portée, c’est-à-dire la distance du son, et ique qui indique l’appartenance. Aussi le mot se réfère-t-il à une musique de cinq nivaux tonals au lieu de sept, comme c’est le cas pour l’heptatonique. L’auteur s’arrête sur cette gamme que l’homme a connue depuis les temps les plus anciens, puisque certains le font remonter, pour la musique chinoise, à 2500 ans avant J.C. Ce type de gamme fut pratiqué par différents peuples d’Asie et d’Afrique et entre aujourd’hui dans bien des compositions musicales européennes et américaines, qu’il s’agisse d’improvisations ou de performances vocales, le blues et le jazz tenant à cet égard une place importante. Des instruments modernes aussi bien que traditionnels sont utilisés. La gamme pentatonique est passée d’Afrique en Amérique.

Tout en travaillant, les ouvriers d’origine africaine chantaient dans les plantations de coton des airs qui entraient de façon spécifique dans cette gamme. Le blues et le jazz qui sont apparus, à la fin du XIXe siècle, appartiennent également à cette gamme. Lorsque les compositeurs de blues et de jazz se sont essayés, au début du XXe siècle, à transcrire leur musique ils ont appliqué les règles de la gamme heptatonique à cette forme, estimant en fait que l’heptatonique (hepta signifie en grec sept) incluait le pentatonique. Mais la transcription de la gamme pentatonique les a obligés à modifier les portées sur l’échelle du pentatonique. C’est ainsi qu’ils ont appelé les degrés modifiés blue notes, en les considérant comme spécifiques à la gamme pentatonique. Puis ils procédèrent à la transcription de ce qui ressemble à la gamme pentatonique sur une échelle colorée appelée échelle chromatique, c’est-à-dire à degrés modifiés, à laquelle ils ont donné le nom d’échelle hexatonique.

L’auteur décrit ensuite les principaux instruments africains de musique, surtout ceux spécialement fabriqués pour exécuter des phrases musicales fondées sur la gamme pentatonique, notamment le balafon qui est un xéno phone pentatonique spécialement créé pour cette gamme par les Mandingues du Mali. On se sert, pour jouer du balafon, de deux baguettes dont l’embout est en caoutchouc entouré de poils. Le balafon sert à jouer, dans les rites de guérison et pour accompagner les femmes, des strophes musicales non chantées. Il est réservé aux hommes qui en jouent en s’accompagnant d’autres instruments, telle que la cloche en bois, les femmes se chargeant de scander le rythme par leurs applaudissements. Nous trouvons, à côté du balafon, le bongodu qui fait partie des instruments de percussion idiophones. Le bongodu est fabriqué en terre cuite et se rencontre en Afrique, en Amérique latine et en Asie.

L’auteur s’arrête également sur la gamme pentatonique au nord de l’Afrique. Celle-ci se retrouve en effet chez l’ensemble des peuples arabes, et spécialement dans la partie nord du continent qui va de la Mer rouge à l’Océan atlantique. Outre, les tonalités spécifiques à la musique nubienne d’Egypte qui ressemble à la musique soudanaise dont la gamme pentatonique constitue le socle, nous retrouvons la même mélodie en Libye, en Tunisie et en Algérie, en particulier chez les Touaregs qui vivent au sud de ces pays. De même, qui écoute attentivement la musique populaire marocaine du sud, et en particulier les chansons des knaouas et la musique des amazighs du Sous perçoit nettement la modulation pentatonique dans le chant et, plus spécialement, dans la musique du Konbri du Sous et du hajhouj des Knaouas.

Abd alqahhar Al Hajjari-MAROC

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