Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES THEMES DE LA POESIE POPULAIRE

Issue 6
LES THEMES DE LA POESIE POPULAIRE

L es origines de cette poésie populaire remontent aussi loin qu’au temps des invasions des Hilaliens qui ont assailli Kairouan en 1057. La poésie populaire tunisienne est née en effet de la poésie hilalienne dont Les Prolégomènes d’Ibn Khaldoun nous a conservé quelques échantillons. Il s’agit d’une poésie de type classique (ou‘amoudi : les vers sont construits sur un seul mètre ; ils se terminent par la même rime et comportent un sadr – premier hémistiche – et un ‘ajuz – second hémistiche – de même longueur) ; quant au rythme, il diffère de celui de la poésie classique, le dialecte tunisien différant des autres dialectes issus de l’arabe. Les wazns de la poésie tunisienne ont quatre racines : le qassim (« fractionné/ sectionné »), le mukef (« suspendu »), le mussaddes (« hexamètre ») et le malzuma (« concomitant »). Quant aux thèmes de la poésie populaire, ils varient en fonction du sujet. En tête, vient le « vert » (et/ou « viril ») ghazel (poésie courtoise et/ou galante) avec ses multiples variantes

La poésie du ghazel se divise en deux catégories : 1 – La poésie descriptive : le poète commence par faire le portrait de la femme aimée en choisissant les qualificatifs les plus appropriés. Il s’arrête, au départ, sur les cheveux qu’il compare aux plumes des ghirbas (pluriel de ghrab : corbeau) lorsqu’ils s’apprêtent à prendre leur envol ; parfois le hudreg (le mâle de l’autruche) est substitué aux ghirbas. Viennent ensuite les différentes coiffures et coupes de cheveux à quoi succède le front qui apparaît tel l’éclair dont la lumière, de loin, éblouit l’oeil. Le visage est ensuite comparé à l’ovale de la lune en sa plénitude. Les sourcils nous renvoient, eux, aux lignes des sourates du Coran tracées sur les tablettes du récitant. L’oeil est comparé à la pointe de la lance ou à celui de l’aigle lorsqu’il fond sur sa proie, à moins que le poète n’ait songé aux prunelles de la gazelle, tandis que les cils évoqueront les ténèbres de la nuit. Les joues seront des roses ou des coquelicots. Le nez est comparé à celui de l’oiseau de proie, l’aigle en général, lorsqu’il pique vers l’oeuf de l’autruche. Les lèvres seront des rubans de soie rouge, les dents des perles incrustées dans leur collier et le cou un miroir brillant du plus loin de tous ses feux. Quant à la poitrine, elle est ample, pleine des seins qu’elle porte, telle une paire de grenades. Pour le ventre, il est rebondi comme l’hypogastre tout à la fois gras et musculeux d’une belle jument. Le poète arrive enfin aux deux jambes qu’il qualifie de piliers d’un palais bâti par un grand monarque.

2 – La poésie lyrique : le poète exprime, dans cette catégorie de poésie consacrée au ghazel la passion qu’il éprouve pour la femme aimée. Souvent il se plaint des blessures qui le font souffrir et sa poésie est alors une suite de variations sur le mot majrouh (blessé).

Le second thème est celui de la description de la nature. On y trouve le bark (éclair) et le dhah’dhah (désert). Le barq part d’une description des éclairs suivis de la pluie qui vient abreuver la terre assoiffée, pour la plus grande joie des hommes : la terre s’ébroue et revit, la verdure a tout recouvert et les fleurs sont tout sourire. Le dhah’dhah nous décrit le désert avec ses animaux et ses oiseaux. Le désert se présente comme un espace de solitude et de terreur où le poète galope sur sa jument qui fait, elle aussi, l’objet d’une description poétique.

Mohieddine Khraïef - Tunisie

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