Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA CÉLÉBRATION D’AL ANSARA AU MAROC Une fête de l’été sur fond de préoccupations liées au quotidien

Issue 58
LA CÉLÉBRATION D’AL ANSARA AU MAROC   Une fête de l’été sur fond de préoccupations liées au quotidien

Dr Ahmed Al Warith

Les Marocains, et en particulier les agriculteurs, sont à ce jour attachés à la célébration d’un événement appelé Al Ansara. La cérémonie a lieu en pleine moisson, au cœur de l’été, au 7 Juillet de chaque année. Les principales étapes de cette fête sont le feu de brindilles qui est allumé, les batailles d’eau et la préparation de repas avec les grains qui viennent d’être moissonnées. Les gens perpétuent à cette occasion une tradition initiée par leurs ancêtres aux tout débuts de l’arrivée de l’islam au Maroc. Cette fête spécifiquement agricole porte également le nom de Mahrajân (festival) et constitue une manifestation relevant d’une culture ancienne qui plonge ses racines dans la nuit des temps, se rattachant étroitement, au-delà des festivités que lui consacrent juifs, chrétiens ou musulmans, aux rites agraires que célébraient les  anciens Amazighs à l’instar des autres peuples dits primitifs pour fêter les fruits arrivés à maturité et improviser d’autre rituels destinés à assurer leur conservation une fois qu’ils ont été emmagasinés et à formuler des vœux pour que la prochaine saison soit une réussite. 

L’observation de ces festivités a amené l’auteur de tirer les conclusions suivantes :

Premièrement : Al Ansara appartient aux fêtes du Soleil qui remontent aux âges lointains ; leurs rites sont étroitement liés aux sociétés rurales, et c’est pourquoi ces célébrations sont appelées rites agraires et demeurent, à côté d’autres fêtes telles que le hakouz, par exemple, encore vivaces de nos jours, chez les agriculteurs marocains, même si elles ont beaucoup perdu de leur lustre ;

Deuxièmement : Al Ansara annonce la fin d’une saison agricole et constitue une célébration de la terre et de ses dons toujours renouvelés ; c’est aussi pour les hommes de la terre l’occasion d’exprimer leur gratitude pour la récolte des fruits qui ont mûri ; une préoccupation se fait néanmoins jour lors de ces festivités : comment se prémunir contre les calamités qui pourraient anéantir les produits de la terre ? préoccupation où se lit la peur d’une nature aussi imprévisible que tyrannique ;

Troisièmement : Les rites liés à la célébration font appel au feu, à ses cendres et à l’eau, et s’accompagnent de repas festifs, toutes choses qui sont essentielles à la vie tout entière. La pérennité des rites de célébration d’Al Ansara qui restent vivaces, en dépit des changements matériels et de l’évolution des mentalités, suggère que les mystères de la nature sont et demeurent l’une des grandes préoccupations de l’humanité. Il est vrai que la célébration d’Al Ansara n’est plus aussi festive chez les Marocains, à part quelques rares exceptions dans les campagnes éloignées des grands centres urbains, mais cette fête reste intensément présente dans l’imaginaire collectif, notamment dans les milieux paysans.

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