AL HAKOUZ AU MAROC

Dr Ahmed El Ouareth

Les membres de la tribu de Béni Zeroual qui vivent au nord du Maroc célèbrent jusqu’à ce jour des cérémonies qui ont un lien étroit avec les changements climatiques. Ces manifestations constituent une rupture avec le rythme habituel de leur existence. Des rites et des processions porteurs d’une charge culturelle intense sont organisés, dont les deux exemples les plus connus sont la fête appelée Al Hakouz qui se tient en hiver et celle appelée Al Onsora qui a lieu en été. L’étude porte sur la cérémonie hivernale dont l’auteur tente de cerner les rituels avec ses multiples significations et motivations. Un plat spécial appelé ad-dchicha est préparé ce jour-là pour le dîner, avec en accompagnement divers fruits secs. La règle est que la nourriture soit fournie en abondance de façon à ce que tous – et surtout les enfants – puissent manger jusqu’à plus faim. Une fois le dîner terminé, les jeunes ont rendez-vous avec une soirée de chants appelée beynou.  Ils vont alors de maison en maison et recueillent des cadeaux. Le jour suivant, les familles préparent des plats encore plus raffinés dont les plus importants sont la soupe de pois-chiches mélangés à l’huile d’olive, à l’ail et au cumin, ainsi que le pain constellé de raisin secs, d’amandes et de noix et les beignets fourrés de sardines. 

On sait avec certitude, aujourd’hui, que, dans l’histoire de l’humanité, les traditions telles qu’al hakouz remontent à l’origine aux sociétés agraires.  À ces époques lointaines, la cérémonie était l’occasion de prier pour que la terre soit fécondée par la pluie et que de l’union sacrée entre les deux éléments on puisse espérer une récolte abondante. Tout mariage exigeant bénédiction, l’idée est naturellement venue de présenter des offrandes aux puissances célestes.

Deux conclusions peuvent être tirées de cette lecture :

• Premièrement :  al hakouz ou yanayer (janvier) est à l’origine une fête réglée selon le calendrier solaire, à l’instar des autres fêtes agricoles, il s’agit même de l’une des plus anciennes cérémonies solaires au cours desquelles les paysans exercent des rites qui suscitent plus de questions qu’ils ne proposent des réponses. Il ne s’agit cependant pas de fêtes pour le seul plaisir du spectacle ou du divertissement, mais de rites sacrificiels organisés à la veille d’une nouvelle saison de semailles qui appelle les bénédictions et constitue une occasion pour le paysan de se rapprocher fortement du ciel et de renouveler ses espérances.
• Deuxièmement : la cérémonie est aujourd’hui devenue une tradition parmi d’autres mais à laquelle les paysans marocains sont restés fidèles, malgré l’évolution des mœurs et des mentalités, les changements de mode de vie et la multiplication des moyens de subsistance. Elle montre en même temps à quel point les us et coutumes sont enracinés dans la société paysanne et combien la culture est consubstantielle à la vie des hommes. La culture ne peut s’effacer, elle s’adapte à l’évolution de la réalité.