Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE SAVOIR-FAIRE ARTISANAL TRADITIONNEL FACE AUX MUTATIONS DE LA VIE MODERNE Du tissage des zhahayir à celui des housses des climatiseurs à eau dans la région de Marwi au Nord-Soudan

Issue 50
LE SAVOIR-FAIRE ARTISANAL TRADITIONNEL FACE AUX MUTATIONS DE LA VIE MODERNE   Du tissage des zhahayir à celui des housses des climatiseurs à eau dans la région de Marwi au Nord-Soudan

Dr Assaad Abdulrahman Awadh Allah

Écrivain. Soudan

L’étude de l’artisanat traditionnel fondé sur les matériaux provenant du palmier dans la région de Marwi peut contribuer, selon les sciences du folklore, à comprendre l’héritage culturel de cette province du Soudan à travers ses multiples manifestations, qu’il s’agisse de littérature populaire, d’us et coutumes, de croyances, de savoirs traditionnels, d’arts de la scène ou de culture matérielle. Une telle étude permet également de comprendre le milieu dans lequel s’est développé cet héritage culturel qui a produit différentes formes d’artisanat et de mieux saisir les mutations qui ont fait évoluer cet artisanat lui-même au rythme de l’époque. Mais il est nécessaire de documenter ces mutations et d’en saisir la portée historique, géographique, économique et sociale pour assurer la conservation de cet héritage, tout en mettant en valeur sa nature, en attirant l’attention sur son importance et en dessinant une image cohérente des métiers qui le composent de manière à comprendre le rôle économique et social qu’ils jouent et de les insérer dans un processus de développement durable. 

Les métiers traditionnels dans la région de Marwi représentent une part importante des activités économiques de la population,  car ils interviennent dans une large mesure dans l’effort productif. Ils répondent en effet aux besoins de la population et constituent un moyen de subsistance qui permet de sédentariser une partie des habitants, d’éloigner le spectre du chômage et de renforcer les liens sociaux. C’est un élément de stabilité pour l’individu et la société qui aide à résoudre un grand nombre de problèmes auxquels les populations se trouvent confrontées. 

L’étude des métiers traditionnels permet également de mieux comprendre comment ceux-ci évoluent au gré des mutations économiques et sociales qui affectent la région, imposant aux artisans de produire des outils qui soient adaptés aux exigences de l’époque sans que s’efface pour autant le caractère traditionnel des métiers dont ils relèvent. C’est cette adaptation périodique qui a à cet égard permis à tant d’activités artisanales remontant aux âges les plus reculés de se perpétuer jusqu’à nos jours. Ces activités ont en outre toujours utilisé des matériaux qui, puisés dans le milieu naturel, n’ont guère changé car ils ont toujours été fabriqués à la main par des artisans au bénéfice de leurs communautés et des diverses activités dans lesquelles celles-ci sont engagées. 

On comprend que le mot désignant en arabe la tradition (en fait le mot taqlîd renvoie à la fois à la tradition et à l’imitation) ne signifie pas l’ancienneté comme il ressort des études folkloriques, mais un processus qui a une portée historique et une aire géographique d’extension. Ainsi les savoirs inhérents aux métiers se transmettent-ils d’une génération à une autre et en même temps d’une région à une autre. Le facteur taqlid (au sens d’imitation) est ici considéré comme plus important que le facteur temps. 

Il apparaît en outre que tout produit artisanal ancien ne provient pas nécessairement d’un métier à caractère populaire. En même temps, beaucoup de métiers traditionnels sont, aujourd’hui encore, florissants par-delà le rapport entre ancienneté et métiers populaires. Il n’est pas possible de prétendre que tout ce qui est ancien est populaire  alors que tout ce qui est nouveau n’est pas nécessairement populaire.

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