Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA POTERIE POPULAIRE AU YÉMEN

Issue 48
LA POTERIE POPULAIRE AU YÉMEN

 

Mohammed Sabe’e. Yémen

Chaque pays a ses arts et son artisanat traditionnel qui furent et demeurent un reflet de la vie culturelle de son peuple dans les temps anciens et modernes. Les produits artisanaux n’ont pas moins d’importance que l’héritage matériel exposé dans les musées. La poterie est à cet égard un patrimoine artisanal qui a très souvent conservé ses formes anciennes, lesquelles offrent aux chercheurs un témoignage sur le passé du pays à travers les objets hérités des temps anciens. Pour les archéologues, la poterie constitue un véritable « livre de lecture » de la société dont elle est issue, qu’il s’agisse de la technique de fabrication, du niveau économique des différentes communautés ou de la vie quotidienne en ses multiples manifestations. La poterie est présente dans les ustensiles de cuisine, dans les unités de stockage mais aussi dans la décoration, outre qu’elle représente, en tant que matière première, ensemble de composants chimiques, forme et dessin investis d’une finalité à la fois utilitaire et esthétique, un champ d’étude pour la science. En elle se manifeste le génie des hommes et des lieux.

Arts et artisanat puisent le plus souvent dans la matière première présente dans l’environnement naturel des producteurs. La poterie est en effet fabriquée, dans la plupart des civilisations, quelle que soit leur situation géographique, avec l’argile disponible dans le sol. Le Yémen a bénéficié à cet égard de plusieurs types d’argiles permettant la production des objets en poterie les plus raffinés.

L’homme yéménite a découvert cette industrie depuis les âges les plus anciens. Les spécialistes affirment même que certains objets en poterie trouvés dans les sites archéologiques du pays remontent au paléolithique supérieur. Les nombreux vestiges disséminés à travers le territoire montrent à quel point l’usage de la poterie était répandu dans l’ancien Yémen. Cet usage est d’ailleurs demeuré vivace dans bien des provinces du pays, ce qui explique la pérennité de cet artisanat, de nombreux Yéménites préférant encore les ustensiles en terre cuite pour leurs repas traditionnels. Outre que ces produits demeurent à la portée de la plupart  des gens, cette belle coutume a contribué à la conservation de cet artisanat et même à l’accroissement de la demande sur la poterie.

Les objets fabriqués au Yémen varient selon la nature de l’argile mais aussi du climat et de la matière première disponible dans chaque région. Cet artisanat est néanmoins menacé d’extinction en raison de l’importation de produits de remplacement et de la propension de certains à faire l’acquisition d’ustensiles en plastique, en aluminium ou dans d’autres types de métaux de préférence à la poterie traditionnelle. Cette évolution est devenue une véritable menace pour ce patrimoine, on peut même dire que le danger est désormais imminent : les métiers de l’argile sont en effet menacés de disparaître comme ont disparu, du fait de la raréfaction de la demande sur les marchés, certains autres artisanats, tels ceux du cuivre, du marbre ou du verre qui avaient survécu dans le pays jusqu’à une date récente.

Il est plus que jamais nécessaire de développer les études et les recherches sur le passé et le présent de ce patrimoine afin de le documenter, de faire connaître les zones de production les plus connues et de mettre en lumière les usages qui en sont faits par la population. Tel est en substance l’objectif poursuivi par l’auteur dans la présente étude.

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