Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES MAISONS EN BRIQUE DANS LA VILLE ET LA CAMPAGNE DE HAMA (SYRIE)

Issue 32
LES MAISONS EN BRIQUE DANS LA VILLE  ET LA CAMPAGNE DE HAMA (SYRIE)

Saloum Dergham Saloum
SYRIE

Le patrimoine architectural est l’un des signes majeurs de l’évolution de l’homme, à travers l’histoire, tout autant que l’expression de la capacité de l’homme à maîtrise son environnement.
Le mot patrimoine (turath) en arabe a la même racine qu’héritage, il renvoie à cette succession des générations qui fait que l’une laisse la civilisation qui fut la sienne en legs à la génération qui prend le relai. Et ce legs ne se limite pas à la langue, à la littérature et à la pensée, il s’étend à toutes les composantes matérielles et affectives de la société, qu’il s’agisse de philosophie, de religion, de science, d’art ou d’architecture.
Le patrimoine architectural nous offre une représentation complète de l’habitat traditionnel, avec toutes les inventions ingénieuses imposées par les défis de l’environnement local (climat, géographie, organisation sociale…) il nous propose en même temps des solutions architecturales qui s’harmonisent avec les besoins de l’individu et de la société mais aussi avec les us et coutumes qui sont profondément ancrées dans l’histoire du pays.
Le mot patrimoine entretient, en arabe, un rapport de gémellité avec héritage, la similitude phonique autant que sémantique entre les deux termes n’est nullement le fait du hasard, la racine (îrth) renvoyant, dans les deux cas, à ce qui a été reçu en legs des mains de la précédente génération et que nous aurons, à notre tour, à céder à la génération suivante en veillant à ce qu’il soit en parfait état, préservé de toute dégradation ou  altération. Il s’agit en effet d’une richesse matérielle, intellectuelle et spirituelle qu’il incombe à chaque génération d’entretenir et de développer par l’étude, la profonde compréhension de ses dimensions cognitives et esthétiques afin d’en faire le socle sur lequel édifier l’apport par lequel cette génération-là laissera son empreinte dans le grand mouvement de la civilisation universelle.
La question qui peut se poser est la suivante: qu’y avait-il avant les maisons en ghames (briques scellées par le ciment)
Et comment l’homme est-il passé vers cette forme d’habitat ? Pour répondre à ces questions il faut sans doute remonter à l’histoire des hommes qui vivaient dans les cavernes ou dans d’autres formes primitives d’habitation.
 La finalité de cette étude des maisons en ghames est de développer une vision qui serve à documenter et à moderniser cet héritage tout en en conservant les aspects originaux et fonctionnels susceptibles de s’adapter aux exigences de notre époque. L’action dans ce domaine devrait se faire au moyen de plans, d’outils, de programmes d’exécution dont se chargeraient des parties officielles mais aussi des personnes, à titre individuel. Les uns et les autres auraient à déterminer l’identité nationale de notre patrimoine, sur la base d’une étude objective et intégrée, de sorte que le patrimoine contribue à l’édification des valeurs qui sont celles du nouvel individu arabe, porteur de toute la fierté de son passé et œuvrant à donner un ancrage à son présent et à conférer forme et pérennité à son futur. (Ce souci du passé joue, notons-le, un rôle quant à la définition des contours du présent et de l’avenir. Lors de périodes de crise, de désarroi moral et spirituel, l’homme regarde en effet vers cet âge paradisiaque que la nostalgie ne cesse de recréer, c’est-à-dire vers ce passé dont le patrimoine est l’une des expressions privilégiées. Le patrimoine est, précisément, cette culture avec tous ses symboles et à travers toutes ses manifestations que la raison collective a créée en toute innocence et spontanéité. Et c’est dans les moments les plus difficiles que l’homme doit rester fermement attaché à cet héritage et à ce qui est sa culture populaire car les dangers qui les menacent sont autant de menaces pour son identité et sa personnalité, de menaces aussi pour son être au monde et sa présence sur la carte de l’humanité.)
On comprend que la maison patrimoniale soit porteuse de nostalgie et de chaleur humaine car cette habitation est l’emblème de la sécurité dans la vie. Lorsque j’observe une maison qui se défait et s’anéantit, peu à peu, j’éprouve une immense tristesse, les souvenirs m’assaillent de toutes parts, la mémoire et l’esprit me plongent dans de profondes méditations, face à ce spectacle de ruine et de désolation. Tant et tant de souvenirs me reviennent de mes grands-parents, de mes aïeux qui ont hanté ces lieux. Beaucoup de ces maisons de Hama et de la campagne environnante menacent aujourd’hui de s’effondrer sans que nul ne prenne l’initiative de les restaurer. La maison en ghames s’efface progressivement de notre paysage, faisant place à des constructions à étages alors qu’elle est le parfum même du passé car elle fut édifiée en symbiose avec ces années révolues, avec les matériaux qui étaient disponibles et selon les canons esthétiques de l’époque, afin de répondre aux besoins et aspirations des générations passées ainsi qu’aux exigences du climat et d’une fonctionnalité en accord avec la vie de nos ancêtres, une vie qui fut si riche de sentiments, de simplicité, de spontanéité, de paix intérieure.
Et c’est cela qui amène l’auteur de l’étude à pousser ce cri par lequel il lance un appel pour que ces demeures soient réhabilitées afin qu’elles continuent à être présentes dans la vie de cette génération.  

Toute Issues