Revue Spécialiséé Trimestrielle

ALI OUELD ZAYED Le personnage et la rhétorique des dits et proverbes liés à sa légende

Issue 32
ALI OUELD ZAYED Le personnage et la rhétorique des dits et proverbes liés à sa légende

Mohamed Ali Thameur
Yémen

Ali ben Zayed, le médecin et le philosophe, l’homme de lettres et le poète mythique, l’astronome et le psychologue, l’expert et le professeur d’agronomie est l’un des médecins les plus célèbres du Yémen et sans doute le plus habile et le plus intelligent d’entre ses pairs. Il a suscité une foule de proverbes, de dictons, de maximes que les générations se sont transmises, de siècle en siècle. Figure du passé, il est le compagnon du présent et l’ami de l’avenir.
L’auteur a examiné de nombreux écrits et documents de référence pour tenter de cerner de façon précise la personnalité de ce médecin yéménite, Ali ben Zayed. Où l’homme a-t-il vu le jour et où est-il mort ? Où a-t-il été élevé ? A quelle époque et en quels endroits a-t-il vécu ? De quelle famille et de quelle tribu est-il issu ? Mais toutes ses interrogations sont restées sans réponse, la plupart des dits de cette grande figure n’ayant été ni documentés ni conservés avec les moyens bibliographiques ou électroniques dont nous disposons aujourd’hui, mais appris et  transmis par le fait du hasard, grâce à la mémoire d’hommes, illettrés aussi bien qu’instruits, qui étaient restés en contact étroit avec la terre, l’agriculture, les us, coutumes et traditions liés au rythme quotidien de la vie.
Il importe à cet égard de souligner que le patrimoine immatériel, transmis oralement, demeure très répandu au Yémen, mais qu’il est aussi grandement menacé de se dégrader, voire de disparaître, un jour.
Pour revenir à Ali ben Zayed, ce grand médecin que les gens appellent tantôt ben Zayed, tantôt oueld Zayed, ainsi qu’en témoignent ses poésies, ses dictons et ses dits les plus connus, l’auteur a mené diverses enquêtes à son sujet, en plus d’une région du pays, il a interrogé les villageois tout autant que les citadins et écouté  un grand nombre de témoins pour connaître le nom complet du personnage ainsi que celui de sa famille et de sa tribu. Hélas ! la plupart des gens ne connaissent que le nom usuel d’Ali ben Zayed. On sait qu’il a vu le jour dans le village de Menketh, district de Kitab, délégation de Yarim, préfecture d’Ab, au centre du Yémen. Aucun document n’atteste sa date de naissance ni celle de sa mort. Certains ont estimé qu’il aurait vécu entre la fin du XIe et le début du XIIe siècles de l’Hégire (XVIIIe). On sait aussi qu’il a vécu dans de nombreux villages, villes et régions du Yémen, et certaines de ces haltes sont d’ailleurs citées dans ses dits.
On sait en outre qu’il a épousé trois femmes, dont l’une était sa cousine. Une anecdote nous est restée sur ses rapports avec ses épouses : «Ali oueld Zayed avait trois femmes, dont l’une était sa cousine, avec lesquelles il partageait son humble demeure. Les années sont passées, Ali connut une période de misère noire. Une nuit, il sortit de chez lui en quête de quelque subside ou d’un ami qui lui avancerait de quoi parer au plus pressé, mais il ne trouva rien. Il s’en retourna chez lui, il monta sans faire de bruit sur le toit pour observer les étoiles et méditer sur son sort, et ce fut là qu’il surprit une conversation entre ses épouses dont il était l’objet. «Qui sait où Ali ben Zayed a bien pu aller ?» disait sa cousine, une autre lui répondit : «Il est allé voler, ensuite il jurera n’avoir rien fait de mal», à quoi la troisième rétorqua : «Il est allé forniquer». Sa cousine prit alors la parole pour dire aux deux autres: «Vous n’avez pas assez de patience pour attendre cet homme, ne serait-ce qu’une seule nuit. Vous êtes des ingrates et des médisantes. » Elle s’en alla chercher une petite quantité de grains qu’elle avait dissimulés parmi le fourrage destiné aux chameaux, et en fit un repas. Les grains qu’ils avaient en réserve étaient en effet susceptibles de s’épuiser avant la fin de l’année, obligeant Ali ben Zayed à emprunter de la nourriture, sauf qu’il n’avait rien trouvé, cette nuit-là, et que deux de ses épouses l’avaient accusé de vol, d’adultère et de parjure.»
Cette anecdote si riche de signification pour ce qui est de la suspicion et de l’ingratitude, y compris chez les êtres les plus proches, a inspiré à Ali ben Zayed des vers que les gens continuent, aujourd’hui encore, à réciter en raison de l’éloquence et de la sagesse avec lesquelles le poète appelle à combattre la pauvreté et la faim en mettant l’accent sur quatre principes dont les trois premiers sont : labourage, éducation, commerce – le quatrième étant le devoir de choisir des femmes qui soient vertueuses, issues d’une bonne lignée, patientes et respectueuses.

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