La lettre du patrimoine deBahreïn au reste du monde
Issue 3
En ce maelström de changements imposés par la mondialisation, au niveau du boire et du manger, du vêtement et des marchés, des villes et des pays, transformant toute chose, où que ce soit, selon un moule unique ; en cet énorme courant qui consacre l’image du village planétaire, la spécificité de chaque nation risque, peu à peu, de s’étioler. Et c’est en fait l’identité de chaque peuple du monde qui se trouve menacée de disparition, sur le long terme, ne serait-ce qu’en raison de l’incapacité des composantes fondamentales de cette identité – quelque profond que soit, par ailleurs, son enracinement – à s’opposer à ce flux puissant, voire simplement à lui résister, à affirmer sa force et sa permanence. Car le réflexe s’est perdu qui consistait à raffermir en toute circonstance la conscience de soi et le sens de l’appartenance à la patrie et à la grande nation.
La culture, eu égard à tous les savoirs, à toutes les expériences, à toutes les oeuvres de l’esprit dont elle est porteuse, représente l’une des spécificités, l’une des marques fondamentales de la personnalité de chaque peuple. La culture de chaque société est formée du cumul des diverses entreprises créatrices et cognitives, des activités menées par ses hommes et de la quintessence des compétences et acquis réalisés dans les différents domaines de la vie et témoignant des particularités qui distinguent cette société des autres. S’agissant de la nation arabe, la culture populaire constitue une part de cet énorme trésor que cette nation – qui est, pour chacune de ses sociétés, la nation mère – a pu accumuler, au cours des âges. Or, si un tel patrimoine a, en général, bénéficié de la plus grande attention, la culture populaire a été d’une certaine façon négligée, voire marginalisée, sous des prétextes pour le moins spécieux qui témoignent d’un manque de discernement réel et de beaucoup de confusion dans les idées. Dans le même temps, les autres nations accomplissaient un immense travail de réappropriation et de promotion de cette partie de leur culture, multipliant à cet effet les instituts spécialisés et les centres de recherche, d’archivage et de documentation, de sorte que tout ce qui pouvait avoir trait à leur culture populaire était collecté, consigné, classé et précieusement conservé.
En dépit des nombreux appels lancés dans les différentes parties du monde arabe, depuis les années 20 du siècle dernier, et les mises en garde adressées aux peuples, aux gouvernements, aux universités, aux intellectuels les plus influents, aux hommes de bonne volonté, pour qu’ils s’occupent du patrimoine populaire arabe, les réponses n’ont guère été jusqu’ici à la hauteur des défis qui se posaient, de génération en génération. Seuls les efforts menés par les individus et les associations se sont poursuivis, mais ces efforts restaient dispersés aux quatre coins d’une nation plus vaste que le rêve lui-même, dans le temps où, ici et là, les actions officielles s’avéraient inefficaces, sinon vaines. En prenant l’initiative, une initiative de portée universelle, de soutenir la publication d’une revue mondiale, spécialisée dans la culture populaire et d’en faire un forum de discussion et d’échange avec les autres cultures du monde, Sa Majesté le Roi Hamad bin Aissa Al Khalifa, souverain du Bahreïn, pays arabe, petit par la superficie mais grand par la civilisation, le patrimoine, l’histoire et le peuple, a consacré, après avoir instauré, voilà seize ans, dans le cadre de l’action culturelle bahreïnie, une tradition annuelle, celle du Festival national de la culture populaire, cet aspect du patrimoine comme une des composantes essentielles de la culture et de l’identité arabes, tout à la fois en tant que support de toute interaction féconde avec l’autre et que rempart contre les risques de déliquescence et de dissolution de la personnalité. Grâce à cette belle initiative, Sa Majesté nous met en face d’un grand défi qui est de faire véritablement de La Culture populaire la lettre du patrimoine, adressée par Bahreïn au monde entier.
Hommage à ce grand dirigeant, en ces jours où le Royaume du Bahreïn s’apprête à célébrer sous son égide sa Fête nationale, en cette ère qui est celle de la grandeur et de la prospérité.
Ali Abdulla Khalifa, Rédacteur en Chef