Revue Spécialiséé Trimestrielle

L’AOUD DANS LA CIVILISATION ISLAMIQUE, ENTRE THEORIE SCIENTIFIQUE ET PRATIQUE MUSICALE

Issue 27
L’AOUD DANS LA CIVILISATION ISLAMIQUE, ENTRE THEORIE SCIENTIFIQUE ET PRATIQUE MUSICALE

Parler de la musique arabe dans la Presqu’île arabique c’est parler de l’ensemble des pratiques artistiques et culturelles qui y sont liées, en particulier le chant. Les rois et les princes qui ont protégé les arts, aux différentes époques, ont accordé une grande importance à la musique et au chant. Comme celui-ci était exécuté, depuis les temps les plus anciens,  avec un accompagnement musical, la question des instruments de musique a très tôt été clairement posée. Nous savons à cet égard que les Arabes, depuis l’époque antéislamique et jusqu’à l’aube de l’Islam, se servaient le plus souvent de la flûte et du tambourin, instruments que le Prophète lui-même évoque dans de nombreux hadiths, suivi en cela par d’éminents théologiens.

 

Mais l’aoud a lui aussi toujours été présent dans la Presqu’île arabique, aussi bien avant qu’après l’ère islamique. Différents vestiges archéologiques mis au jour témoignent de l’existence, sous différentes formes et dénominations, de cet instrument, dans la plupart des contrées de la région arabe. On peut lire, dans un ouvrage de référence, qu’« il est certain que, dans la Presqu’île arabique, les populations ont connu l’aoud avant l’Islam, et lui ont donné différents noms, certains arabes, d’autres arabisés, tels que mizhar (le fleuri), rabt (qui fait le lien),  mouettar (qui est doté de cordes), mustajîb (qui a du répondant), dhu ezzir (qui est pourvu d’une « jarre »), dhu al atab (qui a un seuil), al kerrane (en rapport avec le retour mélodique, le refrain)… Du kerrane les Arabes de l’époque antéislamique ont tiré le mot al kerina, par lequel ils désignaient la chanteuse qui s’accompagnait de cet instrument.

On mesure l’importance de l’aoud dans la civilisation islamique arabe à l’examen de nombreux ouvrages philosophiques ainsi que de sources historiques qui soulignent le rôle éminent joué par cet instrument qui remonte à l’époque antéislamqiue et qui a occupé une place de choix chez les Arabes depuis les temps les plus anciens jusqu’à l’époque moderne.

Le mouvement intellectuel qui a accompagné l’essor de l’Islam a permis de théoriser la musique arabe et d’en définir les règles. Mais cette musique a rompu, dès le XVIIIe siècle, avec ses propres fondements – qui remontent précisément à l’aube de l’Islam – lorsqu’elle est entrée en contact avec la musique occidentale. Cédant à la fascination des formes musicales venues de l’Occident, le discours musical arabe en a fait son modèle intellectuel et notre musique s’est, dès lors, inspirée de systèmes occidentaux.

La survie de l’aoud, qui a gardé toute son importance, reste, malgré tout, la meilleure preuve de la valeur de cet instrument et de l’héritage culturel dont il est porteur et qui fait qu’il continue à rayonner dans toutes les régions de la Presqu’île arabique, outre qu’il a conservé sa place, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la culture  arabe, en tant que symbole de la civilisation arabo-islamique.
Le XXe siècle a, néanmoins, constitué un tournant majeur dans l’histoire de cet instrument, en raison des évolutions techniques qui ont marqué la fabrication de l’aoud, sans compter le fait que l’instrument a lui-même atteint l’âge de la maturité en raison de l’élargissement de son aire d’expression et des développements que la théorie musicale arabe a connus.

Aziz Al Ouartani
Tunisie

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