Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES SPECIFICITES DU PREAMBULE DU CONTE POPULAIRE

Issue 27
LES SPECIFICITES DU PREAMBULE  DU CONTE POPULAIRE

Les éléments spécifiques à la performance narrative dans les contes populaires jouent un rôle décisif dans la stratégie du récit. Ainsi, le préambule constitue un code formé d’une série d’indices consécutifs et croisés suggérant un message cohérent, doté d’une finalité esthétique, sociale et structurelle qui a, de tout temps et chez toutes les nations,  fait partie du récit populaire, qu’il fût oral ou écrit. C’est sur la base de ce message que se succèdent puis s’accumulent les péripéties, jusqu’au dénouement qui est à la fois détente et couronnement du processus narratif.

 

Il faut à cet égard noter l’intérêt accru que la critique arabe accorde de nos jours au conte populaire, qu’il s’agisse du contenu de ce type de récit, des valeurs dont il est porteur ou des structures habituelles : personnages, narration, temps, espace… Mais il est rare que nos critiques s’arrêtent, que ce soit au niveau de la théorie ou de la pratique des textes, sur une composante structurelle stratégique au regard de la science de la formation du récit : le préambule.

Cette composante est si souvent passée sous silence qu’on a l’impression qu’elle est considérée comme une sorte d’évidence qui ne mérite pas qu’on s’y arrête. La plupart des chercheurs qui se sont penchés sur la question n’ont guère dépassé le niveau des généralités quand ils n’ont pas tout simplement ignoré cette étape inaugurale. L’idée était que ces « entrées en matière » ne sont guère plus que la répétition de stéréotypes lexicaux (il était une fois) ou factuels (X sortit…).

Même lorsque le conte populaire a été soumis à l’épreuve de l’analyse structurale, le préambule a continué à être négligé, tant au niveau de la poétique que des enjeux artistiques ou de l’esthétique de la réception. On le constate notamment à la lecture du fameux ouvrage de Vladimir Propp : Morphologie du conte merveilleux (édition française 1970) ou du livre publié par une spécialiste égyptienne sous le titre : Nos contes populaires : du romantisme au réalisme (1974).  

On sait désormais que toute entame narrative est une forme de positionnement, dans la mesure où le récepteur exerce une autorité qui repose sur certains impératifs et qui conduit en fin de compte à cette alternative : adhérer au conte ou s’en détourner.

Attirer et captiver le récepteur est donc un moment décisif dans la mise en place de la stratégie « préambulaire » (la séduction est en effet une technique d’entraînement qui incite le récepteur à chercher à savoir ce qui s’est passé, ce qui est en train de se passer et ce qui va se passer ensuite, afin qu’il puisse assouvir une curiosité toujours plus avide ; le récepteur est ainsi pris, dès le départ, dans les rets du jeu narratif).

Le discours « préambulaire » dans le conte populaire tire son importance du fait que le récit est l’œuvre d’auteurs anonymes et remonte à une époque indéterminée mais aussi de la multiplicité et de la variété des prologues qui visent en premier lieu à inviter l’auditeur à entrer sans hésiter dans le vif du sujet. Mais pour une étude rigoureuse de la morphologie du discours « préambulaire » il convient d’aborder la littérature populaire sur une base scientifique, en la considérant comme un champ épistémologique relevant de la sociologie de la connaissance et exprimant l’être au monde du groupe.


Abdelmalek Achhaboune
Maroc

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