Revue Spécialiséé Trimestrielle

VLADIMIR PROPP ET LA METHODOLOGIE D’ETUDE DE LA CULTURE POPULAIRE

Issue 26
VLADIMIR PROPP ET LA METHODOLOGIE D’ETUDE DE LA CULTURE POPULAIRE

Ayant posé les fondements théoriques pour une étude rigoureuse du conte, Propp a voulu en connaître les racines historiques dans son grand ouvrage intitulé Les Racines historiques du conte merveilleux, paru en 1946, et dont la version française a été publiée pour la première fois en 1983. C’est cette version qui nous servira de base pour faire connaître la visée historique du projet proppien relatif à l’étude du conte.

 

Le livre se compose d’une introduction et de dix chapitres intitulés, respectivement: l’ouverture du conte ; la forêt enchantée ; la grande maison ; le don magique ; le passage ; à proximité du fleuve de feu ; loin du pays des trois fois neuf ; la fiancée ; le conte en tant que tout. Cet ouvrage est considéré comme le deuxième tome de l’étude du conte que Propp a appelée : La Morphologie du conte. En fait Propp pensait, au départ, ajouter à son premier livre un chapitre sur « les racines historiques du conte merveilleux » mais il s’est trouvé amené à publier cette étude dans un volume à part, vu la longueur des développements auxquels l’enquête l’avait conduit.

Comme elle « nous fait remonter, ainsi que l’affirment Daniel Fabre et Jean-Claude Schmidt dans leur introduction à l’ouvrage, aux origines même de la société, la racine du conte est, par définition, hors du temps. Toute la construction mise en place par Propp peut être lue comme une explication des significations intemporelles du conte merveilleux qui traite, en réalité, de la monarchie héréditaire, de l’habilitation en vue du passage à l’étape de la jeunesse, du voyage de l’âme dans l’autre monde. »

Mais le livre ne se borne à mettre en lumière ces points, il procède à une vaste enquête historique, ethnographique et folklorique à l’échelle de la planète. Propp était en avance de trente ans sur son époque dans sa défense de la valeur ethnographique du folklore. L’idée centrale et le principe de départ de l’ethnographie dont Propp a fait, dans cet ouvrage, la pierre angulaire de sa méthode a été résumée par son élève Boris Nikolaïevitch Boutilov (1919-1997) en ces termes : « Même si le conte merveilleux a une construction bien définie, ce type de récit est, en fin de compte, structurellement lié aux rites et aux conceptions en vigueur dans les sociétés primitives. Mais la relation entre le folklore et l’ethnographie n’est pas toujours directe, même si les deux doivent nécessairement coexister dans chaque cas particulier. Pour le vérifier, nous devons d’abord trouver la composante ethnographique qui est à la base de cette matière folklorique, ensuite mettre en lumière les concepts qui en relèvent, enfin suivre le processus de transformation de la composante folklorique. »

Propp s’interroge également, dans l’introduction de son ouvrage, sur le meilleur moyen d’analyser le conte en le replaçant dans son contexte historique et d’enquêter sur ses racines. Il estime que sa méthode d’analyse diffère des approches fondées sur la comparaison entre les contes ou la mise en relation de ces récits avec les données et événements historiques. Son projet consiste à rechercher les vieilles réalités historiques qui ont généré le conte russe et à définir les critères sur la base desquels ces temps historiques ont donné forme au conte et en sont devenus la racine.

Propp considère également que la critique et l’autocritique sont, pour tout chercheur, l’un des fondements scientifiques de la démarche à adopter, car c’est ainsi seulement qu’il peut présenter au public des résultats clairs et vérifiables. L’une des écoles que Propp critique est l’école mythologique qui est la première à prétendre que la similarité apparente entre deux manifestations et leur superficielle conformité extérieure sont en elles-mêmes la preuve de leur corrélation historique.

Yaqub Al-Muharraqi
Bahreïn

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