Revue Spécialiséé Trimestrielle

LA DIALECTIQUE DU POPULAIRE ET DE L’ELISTISTE DANS LA CULTURE ARABE : Une lecture des représentations critiques et culturelles des récits populaires arabes

Issue 23
LA DIALECTIQUE DU POPULAIRE ET DE L’ELISTISTE DANS LA CULTURE ARABE : Une lecture des représentations critiques et culturelles des récits populaires arabes

Il faut œuvrer à revaloriser ce gisement que représentent les sîra (récits de vie) populaires arabes et autres types de récits, tel que le conte populaire, en cette époque d’expansion de la culture de l’image et de l’apparition d’un nombre considérable de chaînes satellitaires. L’effort déployé, à titre individuel, par le poète égyptien Abdul Rahman Al Abnoudy constitue un exemple instructif dans la mesure où le poète a réussi à réunir les textes de la Geste hilalienne qu’il a recueillis auprès des conteurs populaires avant que ceux-ci n’aient disparu, emportant avec eux une part importante de notre mémoire populaire.

L’impact de ces initiatives individuelles reste, néanmoins, limité, et c’est pourquoi les efforts institutionnels doivent se conjuguer, qu’il s’agisse à cet égard d’institutions officielles comme les ministères de la culture, les organismes publics ou les universités arabes, ou d’institutions non gouvernementales, de commerçants ou d’entrepreneurs passionnés de culture.
Dans ses premières années, le cinéma arabe a fait connaître au grand public le personnage d’Antara ibn Chaddad (Antar), à travers des longs-métrages en noir et blanc, tournés en Egypte. Mais, aujourd’hui, un siècle après la naissance du cinéma dans notre région, et avec l’expansion des chaînes satellitaires qui diffusent un nombre incalculable de feuilletons, auteurs et producteurs continuent à négliger les sîra populaires arabes. Pourtant, l’un des feuilletons qui a rencontré le plus de succès auprès du public est Az-zir Salem, écrit par le regretté Mamdouh Adouane et produit par la chaîne M.B.C., qui a précisément pour base une sîra populaire. Et c’est bien grâce à la vision dramatique par laquelle l’auteur a transposé la réalité éclatée du monde arabe dans ce récit populaire que cette œuvre a battu des records d’audimat.
La sîra populaire arabe, sciemment occultée par l’ancienne critique littéraire arabe, pour des raisons liées à une certaine conception aristocratique du goût littéraire, a trouvé un succès qui ne s’est jamais démenti auprès du grand public, toutes catégories sociales et culturelles confondues. Tel est le paradoxe que l’auteur souligne dès le début de son propos. Ces récits exercent en effet sur le public une réelle fascination en raison de cette beauté des narrations et de cette recréation d’une histoire culturelle à contre-courant de l’histoire officielle qui font que les sîra n’ont cessé de se reproduire, de se renouveler et de multiplier les va-et-vient entre écrit et oralité.
En cet âge de la culture de l’image, des médias sociaux et de la multiplication des études culturelles, il est plus que jamais nécessaire de donner sa place à ce genre littéraire en tant qu’il constitue une composante essentielle de l’héritage narratif arabe et même de l’être arabe, à travers les multiples contextes culturels et intellectuels. Une composante révélatrice d’une culture réduite au silence par les institutions officielles, au long des siècles, mais qui n’a jamais accepté de sombrer dans l’oubli.

Dhia al Kaabi
Bahreïn

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