Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE PATRIMOINE MATERIEL POPULAIRE DE LA VIEILLE VILLE DE SANAA

Issue 22
LE PATRIMOINE MATERIEL POPULAIRE DE LA VIEILLE VILLE DE SANAA

La ville de Sanaa est en tant que tout considérée comme un patrimoine populaire, et ce patrimoine est présent dans les multiples édifices que la ville a conservés à l’intérieur de ses vieux remparts : habitations de différents types, mosquées, vergers (maqachems), hammams, fontaines publiques, puits, etc. Les habitants de cette ville se sont transmis, génération après génération, ce patrimoine qui appartient à la civilisation universelle et dont les principales caractéristiques seront relevées au terme de cette étude.

Le plan de la ville consiste en la juxtaposition de haras (quartiers) fermés et peu structurés qui présentent l’aspect de constructions en gradins, la ville ayant été bâtie sur le flanc d’une colline, en une suite de cercles concentrqiues. Chaque hara dispose d’une petite place que l’on appelle sarha de forme irrégulière et qui se situe, en général, au croisement de nombreuses rues. Certaines  parties de ces haras constituent des groupes d’habitations accessibles par une seule issue et donnant, chacune, à l’arrière, sur un verger (maqchama) que l’on peut considérer comme le poumon de cette unité de voisinage.

Quant aux rues, elles sont étroites, sinueuses et de faible longueur. Aucune d’entre elles ne coupe la ville, que ce soit dans le sens de la longueur ou de la largeur. Souvent, d’ailleurs, le promeneur débouche inopinément sur une impasse et doit revenir sur ses pas.
Mais, qui veut parler de Sanaa doit d’abord s’arrêter sur les formes architecturales de ses édifices et sur l’ornementation si caractéristique de ses façades qui font que la ville s’offre au visiteur comme un tableau sorti des mains d’un grand artiste.  

Les maisons de Sanaa sont hautes ; la plupart comportent de trois à sept étages. Rares et le plus souvent inexistants sont les éléments saillants que l’on trouve sur ces façades. Le long des rues les bâtiments sont serrés les uns contre les autres, formant ainsi un seul mur. La plupart des demeures donnent, à l’arrière, sur une grande maqchama car le patio est toujours transformé en un jardin extérieur sur lequel s’ouvre la maison. Mais la beauté de la ville réside surtout dans la distribution harmonieuse autant que suggestive des couleurs, se répartissant entre ocre, rouge, blanc et rouge, mais aussi dans la subtile organisation des ouvertures qui s’agrandissent d’étage en étage, s’épanouissant dans le mofraj (la fenêtre la plus haute) qui est, de par sa conception et son bois ouvragé, un véritable œuvre d’art.

Pour son approvisionnement en eau, la ville de Sanaa a toujours compté sur ses puits qui sont de deux types : les puits propres à chaque habitation et les puits publics. Sanaa a ceci de particulier qu’elle n’a jamais bénéficié d’un cours d’eau régulier et n’a eu d’autre choix que d’exploiter ses eaux souterraines. Elle se distingue également par le marna’a, ingénieuse structure qui sert à faire monter l’eau du fond du puits vers les bassins.

Le souk est l’un des endroits les plus typiques de la ville ; il est l’aboutissement matériel d’une civilisation qui s’est étendue sur des millénaires, depuis l’époque antéislamique. Ses principales caractéristiques sont :
1 – Les rues sont étroites et sinueuses.  
2 – Les commerces (sing. doukkan ; pl. dakakin) sont à un seul niveau ; le souk ne compte pas d’habitations.
3 – La zone du souk se ramifie en plusieurs secteurs, chacun consacré à un certain type de marchandise ou de métier. Des bâtiments entourent le souk qui viennent compléter ses activités, ce sont des bâtiments réservés au séjour des commerçants et de leurs familles et au stockage des marchandises.

Certains bâtiments sont réservés aux hammams, et la ville compte de nombreuses fontaines publiques.
Notons, enfin, que la ville a construit et orné ses édifices en recourant aux matériaux locaux, héritage d’une tradition et d’un savoir-faire populaires venus des époques les plus lointaines. Les matériaux utilisés par les anciens Yéménites sont en effet, aujourd’hui encore, en usage.

Ali Saeed Saif
Yémen

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