Revue Spécialiséé Trimestrielle

SEMIOLOGIE DU DISCOURS MYTHIQUE DE LA REPRESENTATION POETIQUE DE L’UNIVERS LE DISCOURS MYTHIQUE DE L’ART DU NEYROUZ EN TANT QU’EXEMPLE

Issue 19
SEMIOLOGIE DU DISCOURS MYTHIQUE DE LA REPRESENTATION POETIQUE DE L’UNIVERS LE DISCOURS MYTHIQUE DE L’ART DU NEYROUZ EN TANT QU’EXEMPLE

Ayesha Aldarmaki ‭(‬Oman‭)‬

Si le monde consiste en un espace continu et un ensemble d’évolutions en chaîne, la langue et la pensée ont pour fonction de le redistribuer, conformément à leur propre structure, en thèmes et récits distincts les uns des autres qu’ils classent selon des hiérarchies, des catégories, des concepts.

Chaque langue a sa propre manière de reproduire le monde en nommant les objets qui le peuplent, en organisant et en classant ses manifestations. En d’autres termes, chaque langue a une façon particulière de voir et de représenter le monde. L’individu qui réfléchit, sans en prendre conscience, aux sujets qui le préoccupent pense en fait « sous l’effet du pouvoir de la langue dans laquelle il a été élevé et dans le cadre de la vision du monde qui en est le substrat. » Mais les mots ne se contentent pas, à quelque système linguistique qu’ils appartiennent historiquement, de nommer les choses et de les distinguer les une des autres, ils vont plus loin : ils reproduisent, recréent, réinventent ces choses. 

Celles-ci sont convoquées par l’esprit où elles sont en fait potentiellement présentes – même si elles ne sont pas visibles dans leur matérialité concrète –, d’une présence qui aurait la forme d’une image mentale, d’une représentation, d’une catégorie ou d’un concept, comme si elles étaient dotées d’une capacité à transformer en événement la nature des choses, à faire de l’absence présence et du réel une entité mentale. Ce système, l’homme l’invente en une suite cohérente de signes linguistiques ou non linguistique à travers lesquels – et par lesquels – il parvient à imposer son existence dans le réel et dans l’imaginaire. Par l’entremise de la langue il pénètre dans le monde réel mais aussi dans l’irréel dans la mesure où l’irréel se définit comme le champ du possible. 

Ainsi, les signes que l’homme emploie et qui constituent sa pensée – même si la vie consiste en une suite continue de pensées – sont « la preuve que l’homme est un signe. C’est une autre façon de dire que l’homme et le signe qui lui est extérieur sont en réalité une seule et même chose… De sorte que la langue que je parle est la totalité entière de ce qui me constitue, l’homme étant la pensée en soi. » Sur la base de cette approche sémiologique et philosophique, l’homme est aussi un producteur de signes et c’est par ces signes qu’il a prise sur la sphère sociale qui est la sienne et qu’il est capable d’organiser selon un ordre et une évolution précis.

Sur cette base, la réflexion sur le discours mythique dans le  neyrouz se fondera sur le principe que le neyrouz fait partie des signes que l’homme a inventés, utilisés et développés à travers les longues périodes historiques d’évolution des savoirs. 

Pour autant que le mythe consiste en une suite de mots organisés en récit, ce récit se trouve imprégné de significations que lui confèrent des contextes bien déterminés auxquels s’ajoutent continuellement de nouveaux contextes et  significations qui, avec le temps, s’additionnent les uns aux autres, à moins que ces contextes et significations ne perdent une partie de leurs anciennes significations et implications et ne soient reformulés en accord avec le temps présent ou avec un tout autre moment historique que celui de leur apparition. Le mythe que nous essayons de déconstruire et d’analyser est un récit imaginaire, en tant qu’il est, d’un côté, croyance, au sens intellectuel du terme, et, d’un autre côté, description linguistique et performance visuelle. C’est pour cette raison qu’il est classé en tant qu’art festif appartenant à tel lieu et à telle époque. 

Tel est le point de départ de notre analyse de l’espace du discours mythique sous ses deux formes linguistique et non linguistique, une telle analyse ayant pour finalité de mettre en évidence les rapports de communication à l’intérieur du système du neyrouz, dans la mesure où celui-ci est signe, et entre le neyrouz et le récepteur du message à lui transmis au moyen de ce signe. Mais, pour arriver à l’étape de l’analyse du discours mythique, nous devons, dans un premier temps, donner une brève définition théorique de la nature et de la sémiologie du discours mythique.

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