Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES TECHNIQUES DE L’INTRODUCTION ET DE LA CONCLUION DANS LES NARRATIONS POPULAIRES

Issue 14
LES TECHNIQUES DE L’INTRODUCTION ET DE LA CONCLUION DANS LES NARRATIONS POPULAIRES

Kamel Ismaïl(Syrie)

L es récits populaires ne s’effacent jamais de la mémoire car ils sont inscrits à des profondeurs telles qu’il serait difficile de les « déloger » tant sont avancées les positions qu’elles occupent depuis notre plus tendre enfance.

 

Dès les premiers mots que nous apprenons à prononcer et les premières expressions dont nous commençons à saisir le sens, au contact de nos proches et de ceux qui président à nos premiers pas dans la vie, nous entrons en effet dans le monde de l’imaginaire dont les limites ne se seront pas encore, à cet âge, séparées de celles du monde sensible et de l’environnement matériel sur lequel nos yeux se sont ouverts.

Car chacune des histoires que nous racontaient nos mères ou nos grands-mères était projetée sur les événements, les lieux, voire les personnes qu’elle a suscités dans nos esprits et qui sont un reflet de notre monde vécu. Le nom donné par la légende aux trois petites filles qui allaient remplir leurs jarres à la source voisine deviendra dans la bouche de la narratrice, qu’elle soit la mère ou la grand-mère, celui de nos sœurs, de nos parentes ou de nos voisines, et le nom de la source imaginaire celui de la fontaine ou de la source la plus proches de notre village. Notre entrée dans le monde du récit et de la fiction sera d’autant plus facile que l’imaginaire se confondra avec la réalité sensible. Tous les autres lieux, personnages ou animaux que le conte met en scène subiront naturellement le même sort.



La narration populaire, qu’il s’agisse des histoires contées par nos mères et nos grands-mères ou des récits que l’on pouvait entendre chez le mokhtar (chef de village), chez tel  notable de la tribu ou dans les cafés populaires de la ville où le hakawati (le griot) s’installait sur un « trône » légèrement surélevé par rapport au reste du public, exigeait beaucoup de savoir-faire, voire de talent, qu’il s’agisse de la technique du récit ou de l’art de captiver l’auditeur. Le conteur joue, ici, tantôt du registre vocal, tantôt de la mimique ou de la gestuelle. Car il ne suffit pas de narrer les événements en tant que tels, il faut les accompagner d’un discours préalable qui s’appuie sur tout un jeu de comparaisons, de rétrospections, de transitions entre les différentes péripéties, d’imitation des voix des personnes ou des cris des animaux qui interviennent dans le récit mais aussi des bruits des éléments et des phénomènes de la nature, comme le vent qui souffle ou le tonnerre qui gronde. En d’autres termes, le narrateur recourt à ce que les spécialistes du théâtre et des autres arts de la scène appellent aujourd’hui les effets sonores, lesquels confèrent au processus narratif d’autres dimensions et nous font entrer dans le monde du récit en mobilisant toutes nos facultés sensibles.



Dans le même temps, le narrateur s’abstient de toute intervention directe dans son récit.
Le conte s’articule donc, nécessairement, autour de trois axes : un préambule, un espace de développement interne et un aboutissement. Soit : une introduction, des péripéties, une conclusion.


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