Revue Spécialiséé Trimestrielle

La Danse Populaire Appelée «houbbi »

Issue 11
La Danse Populaire Appelée «houbbi »

expression du besoin de tout être humain d’extérioriser ses émotions et ses sentiments aussi bien que les espérances, ambitions ou passions qui sont en lui. S’il y a divergence à ce sujet, elle ne peut concerner que la fonction liée à cette forme d’expression.

Certains mettront en avant le plaisir artistique, les autres la réalité historique, voire l’humaine nécessité de se réapproprier son propre être, de reconstruire sa mémoire ou de trouver un moyen pour élever le niveau de son existence sociale avec toutes les valeurs, traditions ou croyances dont elle est porteuse.

Pour qui veut interroger en profondeur la mémoire populaire de la société algérienne du sud est du pays, il apparaît que cette société recèle de grandes richesses dans le domaine de la littérature et des arts populaires. Cette mémoire est en effet constamment présente, au niveau de toutes les péripéties et mutations qui affectent cette société aussi bien que le reste du monde.

A travers les arts populaires, les peuples de la régions ont pu exprimer leur être, leur vision des choses, leurs préoccupations, allant, ici, à la rencontre de thèmes communs à d’autres régions, inventant, là, des formes et des motifs qui leur sont propres.

L’une des particularités des habitants de la zone de Bechar (Algérie), et surtout de la tribu des Dhawi Menia’, est qu’ils sont restés étroitement liés à leur environnement, ainsi que cette proximité qui a subsisté entre leur dialecte et l’arabe littéral et qui s’explique

par le fait que l’espace dans lequel ils se meuvent est profondément imprégné de l’âme et des parfums du désert, ce qui est perceptible, notamment, dans la poésie populaire. On peut à cet égard souligner les similarités qui existent, tant pour la forme que pour le fond, entre cette poésie et l’ancienne poésie arabe.

On y retrouve, par exemple, en ouverture du poème, la halte devant les traces laissées par la femme aimée dont la tribu vient de lever le camp, et les prouesses du jeune âge y occupent une place importante. La danse appelée « Houbbi » appartient à ce type d’expression populaire qui est, au regard du système intellectuel dans lequel évolue tout homme, un élément aussi important que les autres formes d’expression (poésie, proverbes, devinettes, danses, chansons, hymnes, contes, légendes, récits hagiographiques, croyances, coutumes, traditions mais aussi métiers, artisanat, habillement, nourriture, traditions culinaires, rites et autres pratiques cultuelles, etc.)

qui représentent les bases, tant religieuses que cognitives, culturelles, historiques ou idéologiques, sur lesquelles l’homme a organisé, depuis les temps les plus anciens, son existence et qui, en fait, sont contemporaines de l’apparition de l’être humain sur terre et de la naissance des sociétés humaines, dans les différentes régions du monde, sociétés qui ont évolué à travers les âges pour prendre l’aspect que nous leur connaissons aujourd’hui.

Quand on observe de près le développement de cette danse on constate qu’elle plonge ses racines dans un passé très lointain et qu’elle ne saurait être séparée du patrimoine arabe ancien, surtout si l’on tient compte du fait qu’elle ressemble à des danses populaires liées à la célébration des mariages que l’on trouve dans bien d’autres pays arabes.

La danse « Houbbi » a, bien entendu, bénéficié, à travers sa longue histoire, de nombreux apports. Quant au nom qui lui a été donné il reprend un mot qui revient d’un mouvement à l’autre de la danse et dont on ignore par qui il aurait été inventé. Cette danse est une manifestation collective, comme c’est le cas de beaucoup de formes d’expression populaire liées à telle ou telle festivité.

Et c’est aussi une prestation qui a ses règles propres, loin de toute soumission à l’autorité des autres, si ce n’est dans le cadre organisationnel, imposé par les exigences d’équilibre, d’harmonie, de plaisir, de beauté et de performance. Cette danse est, comme toutes les autres, partie intégrante de l’identité algérienne.

Il convient, toutefois, de souligner qu’elle reste une danse primitive qui n’a pas connu les mutations par lesquelles sont passées les autres danses du pays. La danse « Houbbi » continue donc à être pratiquée de la même façon que dans les temps anciens. Celui qui a l’occasion de la regarder ressent de profondes impressions esthétiques, produites par tout un système de signes, puisés dans les rapports entre les membres de la communauté et destinés à interpeller le spectateur.

Les chercheurs doivent se pencher sur ces aspects de la culture populaire et en donner une explication acceptable, à travers une analyse sémiologique rendant compte de la fonction des mots, des mouvements, des gestes, en tant qu’ils constituent le référentiel culturel de la société concernée tout autant que son identité artistique, telle qu’elle se manifeste au niveau des sentiments, du goût, de l’acte de création et de la réceptivité.

Barka Bouchiba (Algérie)

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