La Créativité Féminine Dans La Culture Populaire
Issue 11
On peut classer ceux qui se sont intéressés à la problématique de « la femme dans le patrimoine populaire » en trois groupes :
1 – Ceux qui n’ont cessé d’affirmer que la culture populaire a glorifié la femme et lui a conféré un statut privilégié, aussi bien au sein de la famille que de l’ensemble de la société.
2 – Ceux qui se sont employés à consacrer une image dégradée de la femme, que ce soit au plan social ou au plein moral, utilisant à cet effet des extraits et citations puisés dans la poésie, les témoignages ou les textes narratifs qui présentent la femme comme une créature dotée d’un mauvais caractère, peu intelligente,
incohérente et sans volonté, ou mettent en avant sa traîtrise, sa sensualité, son comportement tortueux, ses ruses maléfiques, ruses capables de tromper le diable lui-même et qui font d’elle un être imprévisible et peu fiable. Ceux-là voient qu’un homme raisonnable n’a d’autre choix que d’être toujours vigilant, de soumettre la femme au contrôle le plus strict et, partant, de l’enfermer et de la tenir à l’écart de toute vie sociale. 3 – Ceux qui se réclament d’une vision salafite de la religion.
Ceux-là se sont employés à sélectionner certaines composantes de la culture populaire qu’ils ont adaptées aux préceptes qu’ils prônent relativement au statut de la femme et aux coutumes, traditions et comportements sociaux qui ont cours à son sujet. Ils ont adopté les aspects de cette culture qui paraissent en accord avec leurs présupposés et en ont fait leur « référentiel », dans le discours par lequel ils s’adressent aux adeptes de la culture populaire, et le fondement même de leur prosélytisme. Dans le même temps, ils menaient une attaque en règle contre d’autres aspects de la culture populaire qu’ils considèrent comme des déviances et des hérésies qu’il ne suffit pas de combattre mais qu’il faut éradiquer.
L’action que doit mener la femme pour défendre la culture populaire ne doit – donc – pas s’arrêter à un simple travail de « stockage » et de conservation des oeuvres culturelles dans des « récipients » vides, fussent-ils ceux de la mémoire, elle doit se faire à travers une continuelle réactivation de cette richesse, une constante mise en circulation de ses composantes,
une perpétuelle adaptation de ce patrimoine aux réalités de la vie réelle. Or, ces réalités qui sont celles du vécu collectif exigent que le patrimoine populaire bénéficie d’apports nouveaux, à travers tout un travail d’affinement et la mise en place de moyens dont, bien souvent, le commun des femmes ne peut disposer.
On comprend, dès lors, que de nouvelles composantes de la culture populaire aient vu le jour que seuls certains groupes de femmes pouvaient assumer. Certaines femmes se sont, ainsi, distinguées par le rôle qu’elles ont joué en développant ces aspects particuliers de l’art populaire, en créant de véritables « écoles » qui ont leur marque propre et en oeuvrant à la diffusion et en même temps à la conservation de ces formes d’expression culturelle dont elles étaient devenues les dépositaires.
On voit ainsi que le contenu et la matière du discours dominant autant que les représentations véhiculées par ce discours reprennent et reproduisent la vision masculine du groupe, exhibant et propageant des images et des prototypes fondés sur des valeurs et des a priori machistes, présentés comme des évidences et des vérités avérées, relevant du « sens commun ».
Il n’en reste pas moins qu’une autre voix commence à se faire entendre, plus feutrée et moins ostensible, dont la substance se distingue nettement de celle de la voix hégémonique. Cette voix, qui exprime un niveau de conscience de la femme contraire à la vision commune, recourt fort souvent à des ruses et à des moyens stylistiques particuliers, tels que la suggestion, la critique implicite, l’expression des élans intérieurs. Ici, les formes et les genres diffèrent, au gré de la visée rhétorique et des moyens d’expression utilisés.
Abdelhamid HouLas(Égaypte