Le thème de l'émigration dans la chanson populaire féminine au Yémen.
Issue 1
Arwa Othman, Yémen
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L out en reflétant changements, transformations et contradictions sociales, se revêtit des couleurs contradictoires de la tristesse, de la douleur et de la nostalgie d'un côté et celles de la joie, des plaisirs et de l'amour, de l'autre.
La recherche atteste que cet art a atteint un niveau d'expression et de révélation des sentiments, jamais égalé par les autres formes d'expression populaire incapables de par leur appartenance à une société conservatrice, tribale et pastorale, de rompre avec les interdits. A ce conservatisme traditionnel s'ajoutent les messages déversés par la culture générée par le flux de pétrodollars sur la région, avec son lot de prédicateurs et de voiles noirs.
L'émigration a été tout autant une fuite de l'isolement du pays, des conditions économiques, sociales et politiques, imposée à la société des hommes, qu'une blessure affligée à la société des femmes, qui devaient rester au pays et affronter à un âge précoce les charges des travaux de la terre et l'entretien de la famille. Et c'est ainsi que la chanson féminine a joué un rôle de substitution aux duretés du réel, pour faire face à la mort et à la destruction morale.
Chanter est un moment exquis pour les femmes qui communient dans un hymne à la vie porté comme un défi aux forces destructrices que fait peser sur elles leur mode de vie. Il est du destin cruel des femmes du Yémen, de se marier pour une et deux semaines et d'être laissées enceintes par des maris émigrés pour la vie, qui peuvent s'absenter pour une décennie ou deux et revenir vieillis, reprendre la vie commune avec des femmes déjà grands-mères. Des deux exils, celui des hommes qui évivent loin de leur pays et celui de la solitude des femmes restées au pays, le plus cruel n'est il pas le second?
L'auteur fait remarquer que les chansons féminines du Yémen présentent les mêmes caractéristiques que les chansons semblables des autres pays. Ce sont des chansons anonymes, qui permettent de se libérer des dures contraintes imposées aux femmes qui vivent l'exil tout autant que les hommes, exil du corps et des sentiments, de femmes transformées en hommes par la nécessité et vivant dans les montagnes éloignées et esseulées dans les maisons glaciales. Ce sont elles qui ont donné naissance aux textes et ont créé les mélodies appropriées à leur mode de vie.
Les femmes vénèrent celles d'entre elles qui possèdent une belle voix pouvant mieux que d'autres porter cette douleur profonde d'une
mélancolie, qui amène les autres à communier dans des scènes de pleurs collectives, libérant des tensions sentimentales ayant l'ampleur des frustrations causées par l'exil destructeur.
Le répertoire est riche de récits de femmes violées en toute légalité par des mariages contraints démographiquement qui amènent de plus en plus de jeunes filles à épouser des hommes âgés, car les jeunes ont été happés par l'exil.
Les chansons des femmes du Yémen sont tout autant une revendication existentielle qu'une exigence vitale, non moins importante que tout autre besoin. Elles constituent une Résistance, face à la souffrance quotidienne, à la violence et à la mort physique et morale.
Arwa Othman, Yémen |