LA DIMENSION SOCIOCULTURELLE DANS LA DANSE MAROCAINE D’EL HAITE
Issue 63
Dr Moussa Fekir. Maroc
La danse d’El haite est l’un des plus anciens arts populaires du Maroc. Ses scansions sont multiples et variées et ses mouvements festifs, enthousiastes et spectaculaires. Dans quelques-uns de ses aspects formels, on trouve des échos de certaines danses arabes. El haite est également, au niveau des costumes de groupe, dans la lignée de diverses formations musicales traditionnelles locales. Même si cette danse a connu une forte expansion à l’est du Maroc, dans la région de Sidi Slimen, d’Al Qneitra et de Sidi Qassem, elle est largement implantée au nord-est du Maroc chez les tribus d’El Hayayna dans le district de Taounet, région de Tissa. Les multiples suggestions de ses mouvements relèvent de son interaction avec l’environnement qui l’a fait naître. Cette danse interpelle en même temps l’homme et le touche au plus profond, en tant qu’il est un être lié à la terre et à l’espace physique. Elle épouse aussi les diverses formes d’expression humaine en ce que cette expression a d’universel et impose son empreinte en tant qu’elle est constitutive d’un patrimoine musical populaire profond.
Cette étude vise en premier lieu à sensibiliser les jeunes générations à l’héritage de nos pères afin qu’elles connaissent de près leurs pratiques en matière de spectacle et les formes d’expression orale qui leur étaient chères, mais aussi pour qu’ils prennent conscience de l’importance des diverses manifestations publiques dans le domaine de la musique populaire sous toutes ses formes, en particulier à cette époque qui connaît des mutations radicales au niveau de ses structures culturelles, intellectuelles et sociales.
L’auteur souligne dans le même temps son souci de faire face à l’oubli qui commence à gagner les différents milieux sociaux en raison de la mondialisation dont l’impact se fait partout sentir, ne serait-ce qu’à travers la pandémie du Corona qui a eu tant d’effet sur les hommes et leur rapport à la culture. Les hommes se sont retrouvés, en effet, enfermés chez eux, incapables de reprendre le chemin du mihrab vers lequel ils se dirigeaient de façon innée depuis des siècles. L’objectif de cette étude est donc d’enquêter sur les divers aspects de cette danse et de mettre en évidence les traditions musicales que recèlent ses aspects spectaculaires et qui se sont transmises à travers les générations.
Malgré les efforts louables déployés autour de cet art par des spécialistes de la question, la plupart des études auraient besoin d’approfondir leurs analyses en ce qui concerne cette danse qui partage bien de ses manifestations avec d’autres danses relevant du patrimoine marocain.
L’authenticité de la danse d’el haite est liée au fait que cet art s’inscrit dans le mouvement profond de l’histoire et entretient des rapports étroits avec la culture universelle en ce qu’elle a de plus global. Les différentes formes de danse et d’expression corporelle pratiquées par la plupart des groupes traditionnels constituent le point de départ de gestes qui donnent à voir en les théâtralisant les symboles matérialisant avec force la cohésion sociale et la tentation d’immobiliser le flux du temps pour le soustraire à la marche de l’histoire. Dans ces exhibitions, l’homme puise la foi en son existence et affirme son appartenance à la vie du groupe. Certaines sociétés n’affirment leur existence qu’au moyen des spectacles, notamment par la représentation des mythes et légendes. Vue sous cet ange, la danse d’el haite est une mimesis de la nature et de l’environnement où se déploient ses mouvements. Dans le même temps, elle reste, dans une large mesure, liée aux fêtes du mariage dans la campagne marocaine. Le côté rural et bédouin y prédomine, en effet, tandis que s’y révèle le rapport de l’homme à la terre, à la nature et aux espaces de la production agricole, en particulier à l’époque de la moisson qui donne lieu à des spectacles festifs célébrant la terre féconde et généreuse.
En examinant attentivement cette manifestation culturelle on comprend à quel point elle est ancrée dans l’histoire de l’humanité, ne serait-ce que parce qu’elle s’épanouit au cours de la période des festivités sociales et nationales du Maroc en prenant la forme d’un spectacle musical, chanté et dansé à caractère populaire et social, à l’instar de toutes les danses folkloriques que le pays a connues au long de son histoire.