Revue Spécialiséé Trimestrielle

D’OU VIENT LA RICHESSE DU PATRIMOINE MUSICAL DU KEF ? ET QUELS SONT LES SECRETS DE SA TRANSMISSION ET DE SA PÉRENNITÉ ?

Issue 61
D’OU VIENT LA RICHESSE DU PATRIMOINE MUSICAL DU KEF ? ET QUELS SONT LES SECRETS DE SA TRANSMISSION  ET DE SA PÉRENNITÉ ?

Achraf Dammak

Écrivain. Tunisie

Le patrimoine musical populaire est un élément essentiel de la mémoire et de la culture des peuples. Ce patrimoine est la quintessence des expériences menées par les prédécesseurs autant qu’il est le fruit de l’émulation entre les artistes à travers les générations. Si un tel héritage a bénéficié dans le passé d’un réel intérêt et d’une forte adhésion populaire, il a pâti au cours des dernières années d’un fléchissement de l’élan quasi-unanime qui portait les arts et le patrimoine musical, entre autres à cause de la mondialisation qui ne cesse de s’étendre, touchant tous les domaines, y compris la culture, et de cette ouverture globale que connaissent la plupart des peuples à travers le monde.  

Conscient de ces défis et de la nécessité de renforcer la recherche sur le patrimoine musical populaire, en général, et tunisien, en particulier, l’auteur a œuvré à élargir la réflexion sur les différentes orientations des recherches sur le patrimoine et son rapport aux cultures, dans leur multiplicité et leur constante interaction. Aussi l’étude s’inscrit-elle dans le contexte des écrits sur l’anthropologie musicale qui visent à réhabiliter un legs musical de la plus haute importance, longtemps négligé, et à enrichir les connaissances dans un domaine qui nous concerne tous.

Un examen attentif du patrimoine musical tunisien sous toutes ses formes est de nature à révéler plusieurs types et catégories d’œuvres musicales qui se sont propagées dans toutes les régions du pays, notamment celles relevant du patrimoine musical populaire qui est resté vivace dans l’ensemble de la région du Kef, au nord-ouest de la Tunisie, et continue de nos jours à bénéficier d’une adhésion populaire que lui envieraient bien d’autres régions du pays. La question qui se pose ici est celle du secret d’une telle pérennité et des facteurs qui ont contribué à la constitution et à la richesse de cet héritage musical dans cette province.

Le principal objectif de cette étude est de comprendre dans toute leur profondeur les spécificités culturelles et artistiques de ce patrimoine populaire ancestral, d’en relever les richesses et de saisir toute l’étendue de ses liens avec le vécu des hommes dans la région du Kef. Ce travail se fonde sur l’examen attentif de quelques échantillons sélectionnés dans le cadre du travail entrepris sur le terrain et sur l’étude minutieuse de certaines pratiques dans le domaine de la chanson qui sont restées, de nos jours, vivaces et liées à la plupart des composantes culturelles propres à la société keffoise.

Mettre l’accent, concernant les diverses parties de cette région, sur un patrimoine d’une telle richesse, d’une telle variété et d’une telle étendue quant à la pratique de la chanson populaire ne signifie, en aucune façon, restreindre la recherche à l’aire géographique de la province en question et ignorer l’influence des zones limitrophes ni, encore moins, d’autres facteurs qui ont également contribué à la pérennité de ce patrimoine.

Compte tenu de la richesse d’un tel patrimoine, de l’étendue de l’aire couverte par la pratique de la chanson et de la diversité des occurrences qui se rencontrent d’une zone à l’autre de cette province, l’auteur a choisi de subdiviser de façon méthodique la région afin de préciser les observations et les multiples conclusions tirées du travail sur le terrain. Ainsi a-t-il dressé une sorte de carte virtuelle figurant, selon les différentes zones, la densité de la présence des formes musicales patrimoniales pratiquées et le recours plus ou moins important à tel instrument musical ou à tel type de mélodie.

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