ALI EDDLIOUY EL AYARI CAVALIER EMERITE ET POETE
Issue 9
Il se distinguait, néanmoins des autres figures traditionnelles du poète chevalier, excellant aussi bien dans l’art de la guerre que dans l’art du vers, par ses poésies qui sont citées pour leur exemplarité dans des domaines telles que les compétitions rhétoriques ou les méditations. Certaines de ses poésies, à cet égard, ne sont pas sans évoquer les figures de Antara ibn Cheddad ou de Malik ibn Ar Rayib Al Mazini.
Ali Eddliouy est né, selon la tradition, au début du XIX è siècle. Il a perdu très jeune son père et vécu, enfant, dans une famille pauvre. Elève d’un meddeb (maître de l’école coranique) du douar, il devint très tôt capable de réciter le Coran dans son intégralité, ce qui lui conféra le titre de « porteur des soixante » (les soixante sourates du Livre saint), titre annonciateur de ces dons exceptionnels qu’il allait développer par la suite.
Les rares témoignages qui nous sont parvenus portent à croire qu’il eut une vie quelque peu tourmentée. Ses faits et gestes nous montrent, en effet, sur le versant qui est celui du monde réel, un homme mû par les valeurs guerrières et l’engagement au service de la tribu, et, de l’autre côté, le versant de l’univers surnaturel, un devin, une sorte de voyant, surtout si l’on accorde un crédit aux visions, nocturnes et autres, qui lui étaient attribuées et qui ne tardaient guère à se matérialiser dans les faits. Un des récits dont nous disposons illustre cette double dimension de sa personnalité :
il s’agit d’une vision qui lui serait venue dans ce qu’on appelle un rêve éveillé. Encore enfant, il était au bord d’un ruisseau, occupé à laver les tablettes utilisées à l’école coranique, lorsqu’un vénérable vieillard à la barbe blanche, de blanc habillé, s’arrêta à sa hauteur et, prenant dans une main de l’eau trouble et de l’autre de l’eau claire, lui posa cette question : « De laquelle boiras-tu ? », à quoi l’enfant répondit : « Des deux ! » Certains ont interprété l’anecdote comme une vision signifiant que ce qu’il y avait, dans une main, était la pureté, tant physique que spirituelle, ainsi que la bienfaisance, la chasteté et la crainte de Dieu, et que le contenu de l’autre main désignait la confusion, l’obscurité et la tristesse qui sont de nature à ouvrir la voie à la passion et, dès lors, notamment aux aventures amoureuses.
Il suffit maintenant de se pencher sur ses poésies qui se sont transmises, de génération en génération, pour constater que cellesci se répartissent en deux catégories : des poèmes brefs, d’un vers ou deux, parfois plus, d’un côté, et de l’autre, des poésies relativement longues, surtout comparées aux premiers.
On voit, dans le recueil qui nous est parvenu, que le poète a abordé différents thèmes ou genres, tels que le hîja’e (satire acerbe), le fakhr (autoglorification ou glorification de la tribu), la description des coursiers, etc. Mais ce qui retient l’attention c’est que, de façon générale, ces thèmes ou motifs ne sont pas introduits de façon autonome ou incidente, si bien que, pratiquement, aucun d’entre eux ne constitue, à l’intérieur du poème, une unité structurelle ou sémantique indépendante : tous sont disséminés sur plusieurs parties du poème. Quant aux sujets traités ils portent sur l’observation des réalités sociales, les aléas du destin, les lois de l’existence, en tant que lois universelles, régissant l’univers, en tant que tout, et l’homme, en tant que partie du grand tout.
Ahmed Khaskhoussi (Tunisie)