L’HABITATION TRADITIONNELLE DANS LA RÉGION D’EL MAHS AU SOUDAN Étude anthropologique

Dr Mohammed Messad Imam Afifi

Professeur d’anthropologie

Faculté des hautes études africaines

Université du Caire

Il serait difficile d’étudier le cadre matériel de l’habitat dans un environnement donné sans prendre en compte l’expérience des hommes et l’organisation sociale dans laquelle ils se meuvent. Les cadres ainsi que les contextes matériels sont en effet bien plus qu'un simple périmètre où s’observent les comportements les plus divers des membres d’une société, ils constituent autant de composantes de la vie en commun qui influent sur de tels comportements. Mais bien plus importants que ces cadres matériels sont les multiples expressions des cultures elles-mêmes et des valeurs dont elles sont porteuses. De telles expressions revêtent diverses formes qui ont un impact sur les différents aspects de ces cadres physiques, y compris leur architecture, leurs fonctions et les significations qu’ils recèlent.

De là vient l’intérêt de l’anthropologie pour l’habitat, un logement ne pouvant être édifié de façon aléatoire et devant se conformer à la culture spécifique à chaque société et à la nécessité d’en exprimer les significations particulières. 

On comprend dès lors que l’habitat ait toujours constitué l’un des sujets d’étude de l’anthropologie, outre qu’il représente l’une des actualisations matérielles de la culture d’un peuple. L’intérêt accru pour ce thème et le développement des études anthropologiques ont fait qu’une autre branche relevant de l’anthropologie appliquée, « l’anthropologie de l’habitat », est venue s’ajouter à ces études. Ce nouveau type de réflexion porte en général sur l’habitat spécifique aux sociétés primitives, en tant qu’introduction aux études sur les particularités culturelles de ces sociétés. L’anthropologie de l’habitat représente à cet égard une approche d’autant plus importante que le logement est l’expression la plus immédiate de la culture sociale, thème qui est au centre des préoccupations de l’anthropologue, lequel n’a de cesse d’œuvrer à comprendre de façon toujours plus entière la nature humaine. 

Le lien est donc étroit entre l’anthropologie et l’habitat. Les spécialistes ont à cet effet développé diverses méthodes qui ont trouvé des applications dans de nombreux domaines. L’habitat constitue en outre un des sujets les plus attractifs pour les chercheurs de tous horizons qui y trouvent matière à réflexion, tout en œuvrant à l’enrichir. La recherche en anthropologie pourrait de la sorte devenir d’un réel apport pour l’architecte, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer les besoins et exigences essentielles de l’utilisateur qui a recours à ses services. L’architecture elle-même se doit d’être toujours au plus près de la culture de chaque société.

Les anthropologues se sont penchés sur l’habitat en tant qu’il constitue l’élément axial des fonctions sociales des individus et qu’il demeure étroitement lié au système de parenté et de conjugalité en même temps qu’il influe sur le réseau de relations qui se tissent au sein de chaque société, notamment à l’échelon familial. Les études anthropo-sociales, notamment au niveau des sociétés primitives, décrivent et classent de façon détaillée les différents systèmes de logement et d’occupation des espaces construits après la conclusion des mariages. De quelle façon vit-on avec la famille de l’époux, et de quelle façon avec celle de l’épouse ou de l’oncle de cette dernière ? Comment le couple vit-il lorsqu’il a fait le choix de l’indépendance ? Ces questions et bien d’autres sont au cœur du travail de l’anthropologue.