LES RITES DU MARIAGE AU MAROC La région de Bahalil à titre d’exemple
Issue 56
Dr El Saadia Outbaazit
Chercheure. Maroc
Les rites du mariage varient d’une province à l’autre du Maroc. L’auteur a choisi de se pencher sur la petite région de Bahalil qui est située sur le flanc de l’Atlas, face à la ville de Fez dont elle est éloignée de 72 miles. Près de cette région, se trouve une passe traversée par la route de Numidie. Divers ruisseaux dévalent la montagne dont l’un passe par la ville de Bahalil.
Cette dernière se situe dans l’une des zones du sud de Fez, non loin de Safrou, un village très peuplé dont les habitants s’abritent dans des maisons adossées aux premiers contreforts de l’Atlas moyen. Cette population est constituée des derniers représentants d’une tribu berbère appelée Bahloula qui a vécu dans cette région depuis les temps les plus lointains, et joué à plusieurs reprises un rôle historique non négligeable, surtout au cours des premiers âges de la conquête islamique.
L’étude se penche sur les symboles sociaux en mettant en lumière les valeurs auxquelles la population demeure attachée : honneur, intégrité, respect du patrimoine, ancrage des us et coutumes du groupe. La société a à cet égard constamment veillé à la pratique des différents rites et cérémonies qui renforcent ces valeurs et en assurent le respect à travers la défense du mariage légal et l’attachement à en garantir la stabilité.
Même si la communauté n’a pas toujours conscience de l’utilité immédiate de ces rites et cérémonies dont les fidèles ne connaissent guère, excepté par la pratique, la fonction héréditaire latente, à savoir le combat triomphal contre les forces surnaturelles (djinns et démons), la société de Bahalil n’en est pas moins convaincue que ces forces imprègnent en profondeur la vie quotidienne, en général, et les différents cycles de la vie de l’individu, en particulier.
En fait, ces rites consistent en gestes et actions pratiqués volontairement, sans autre raison que la répétition de célébrations remontant loin dans le passé. Il est certain que la répétitivité est l’un des caractères distinctifs de ces rites que les habitants de la région célèbrent, à l’instar du reste de la population marocaine, en conformité avec des coutumes profondément respectés par tous les membres de la communauté.
Une question se pose, ici : de telles pratiques continuent-elles à avoir cours au sein de la société bahalilie ? La réponse est évidemment positive. Oui, certaines de ces croyances sont demeurées vivaces, cette communauté n’étant rien qu’un simple miroir du reste de la société marocaine en ce qui concerne le substrat psychologique de ces croyances, même si la pratique elle-même relève des légendes et autres manifestations de l’irrationnel que l’Islam appelle à combattre et à éradiquer de la vie sociale.
En effet, cette religion n’a eu de cesse, depuis son apparition, de batailler contre ces rites et croyances. Malheureusement, ceux-ci continuent à sévir dans les différentes régions du Maroc, notamment dans les milieux tribaux, en tant qu’us et coutumes ancrés au plus profond des masses populaires. La question de l’Islam au Maroc est en effet à maint égard problématique, et l’on ne saurait s’y confronter avec succès qu’en commençant par ces pratiques et croyances qui demeurent vivantes et répandues à travers le pays.
Coutumes et rites constituent des comportements sociaux relevant de la pratique quotidienne dans les classes populaires. Ils ne peuvent être soumis de la part des fidèles à examen et évalués que dans le cas où l’on viendrait à y contrevenir. On ne saurait en mesurer l’impact sur la base de la légalité religieuse ou de la foi en l’inconnaissable qu’en proportion de l’enracinement dans telle région de la loi islamique ou des valeurs religieuses.