MATÉRIAUX ET MODES DE CONSTRUCTION TRADITIONNELLE EN ARGILE
Issue 52
El Zoubeir Mehdad
Écrivain. Maroc
La position géographique des États islamiques de l’Ouest (Égypte, États du Maghreb arabe et Mali) les a dotés de plaines et de plateaux bordant la Méditerranée et les hauteurs de l’Atlas et traversés par d’impressionnantes chaînes de montagnes. La partie sud de ce vaste espace est agrémentée par des oasis ensorceleuses. Cette nature a profondément marqué la culture, le patrimoine, l’hsitoire et le mode de vie de ses habitants.
L’héritage culturel de ces pays est l’un des domaines où s’est imprimée la diversité géographique. C’est en effet un héritage riche et multiforme. Il s’y rencontre des formes d’urbanisme citadin, diverses architectures de montagne, d’autres maritimes, sahariennes ou présahariennes. Nous trouvons des mosquées, des écoles, des portes de cités, des casbahs, des palais, etc. Mais toutes ces constructions ont encore besoin d’être explorées par les chercheurs pour être mieux connues et pour que leurs secrets soient percés et leurs formes d’organisation ainsi que leurs rapports aux contextes culturels analysés.
C’est dans les régions sahraouies de ces pays que prédominent les constructions en terre, bâties selon des techniques héritées du passé et des traditions ancestrales. De telles constructions utilisent l’argile en tant que matière première à laquelle est agglomérée la pierre pour les fondements. C’est ainsi que les remparts et les tours furent élevés et que la cité fut conçue selon un plan original.
Mais la construction à base d’argile n’est pas spécifique à cette région. Dans de vastes parties du monde arabe, de l’Asie mineure et de l’Afrique, maisons et fortifications sont également construites en argile. Nous trouvons des structures architecturales aussi gigantesques qu’anciennes encore debout à ce jour, à Hadrumète au Yémen, à Alep en Syrie, à Haël en Arabie Saoudite et dans beaucoup d’autres cités dont il serait fastidieux de dresser la liste.
Dans toutes ces villes les hommes se sont transmis des arts et des techniques de construction en argile, ils ont échangé leur savoir-faire, contribuant chacun pour sa part au mûrissement, au développement et à l’expansion des multiples expériences.
Mais la chose la plus singulière en ce qui concerne les constructions en argile dans ces pays de la partie occidentale du monde islamique est leur solidité et leur capacité à résister aux conditions climatiques et autres facteurs d’érosion, sans parler de la beauté de leur conception architecturale et de la maîtrise dont témoigne l’organisation sociale qui fut à la base de leur édification.
Les habitants ont mis leurs vieilles connaissances au service de l’essor économique, de la défense militaire, de la stabilité sociale, de l’homogénéité démographique et de la quiétude tant spirituelle que physique des populations de la région.
Cette architecture est devenue un document qui parle de la culture, des traditions et des racines de ses habitants. Elle nous renvoie une image aux contours précis de la façon dont ces hommes ont vécu et interagi avec leur milieu physique, leur environnement politique, mais aussi de leurs aspirations économiques, de leurs croyances et de leur interaction avec les autres à travers les époques.
Ce patrimoine précieux est aujourd’hui menacé de disparaître malgré l’importance qu’il revêt sur les plans économique, social et environnemental, et le rôle qu’il joue dans la réalisation du développement durable et la défense des ressources naturelles contre le gaspillage et la pollution. Le bâtiment moderne en béton s’est en effet propagé dans toutes ces régions et menace désormais de destruction leurs composantes naturelles.
L’étude des formes architecturales en argile constitue à cet égard une nécessité pour la préservation de ce patrimoine important, qu’il s’agisse de la conservation de la mémoire, de la sauvegarde de l’environnement, de la garantie de l’autosuffisance ou de la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales.
L’auteur vise à travers cette étude à faire connaître les matériaux utilisés dans le bâti en argile, les modes de construction et les traditions qui y sont liées. Il s’est appuyé à cet effet sur une approche descriptive en se fondant sur la collecte des informations au moyen des visites effectuées dans différents ksour et casbahs du sud-est marocain, des entretiens et conversations qu’il a pu avoir avec les habitants autochtones et les maîtres maçons de ces régions, outre l’étude et l’interprétation de nombreux documents photographiques. Il a ainsi réussi à se constituer une vision globale et précise de son sujet de recherche.