VITALITE ET IMPACT DE LA LITTERATURE POPULAIRE Sur les problèmes de méthode posés par la richesse des spécificités observées à partir d’un choix d’exemples
Issue 41
Dr. Kamal Farhan Salah
Professeur à l’Université libanaise
Faculté des lettres et des sciences humaines
L’étude met en lumière les points suivants :
1 – Le but suprême de la littérature populaire est de donner une image véridique du fait social et de refléter, plus que ne le fait la littérature ‘’officielle’’, la société en ce qu’elle a de plus inné. Cette innéité est nettement perceptible dans le caractère rigoureux et achevé des textes qui relèvent de cette littérature et dans la créativité dont elle témoigne et qui change d’un milieu à l’autre et d’une époque à l’autre. Les thèmes abordés par la littérature populaire ont un caractère général et s’adressent à chaque membre de la nation. Ils ont en même temps une tonalité spécifique qui fait que chaque individu se sent touché à titre personnel, un peu comme s’il était visé en personne ou avant tout autre individu. C’est pourquoi l’étude met l’accent sur les méthodes relatives à la littérature populaire qui servent ce qui est l’objectif commun à ces diverses approches : expliquer le rapport entre le peuple et la culture populaire. L’auteur se fonde sur le principe que le chercheur ne peut se suffire d’une seule méthode, et que c’est à travers une multiplicité d’approches qu’il peut donner une véritable assise méthodologique à l’étude du folklore, dans l’acception moderne du terme.
2 – La littérature populaire est considérée comme le summum de la conscience artistique. Elle ne s’impose pas une forme déterminée, elle ne se prive nullement d’emprunter une forme quelle qu’elle soit qui lui permette de réaliser ses objectifs et finalités. Une fois le récit achevé l’épilogue est renforcé par un proverbe, à moins que ce ne soit la trame narrative elle-même qui est transformée en chanson ou en pièce de théâtre. Il arrive même que toutes ces formes soient réunies en un tout harmonieux. Quant à la structure et au traitement artistique (récit, conte, rythme, dialogue, langue, etc.), ils diffèrent de ceux de la littérature ‘’officielle’’. Qu’il s’agisse de récits ou de chansons, la littérature populaire recourt en outre à des techniques de formulation qui mettent l’accent sur la séduction et l’attractivité, et cela à travers la répétition, l’exclamation, le comique, le burlesque ou l’imitation théâtralisée par le geste et la parole du personnage dont l’élocution et les mots sont amplifiés, surtout dans les contes et les récits biographiques. A cela s’ajoutent dictons, proverbes, strophes chantées, etc.
3 – La réflexion s’élargit à l’examen des spécificités de la littérature populaire et à la problématique des études littéraires sur les œuvres concernées et les mutations qui les ont affectées L’auteur présente, en même temps un choix d’exemples qui mettent en évidence de telles spécificités, tout en les analysant. Il procède à partir d’une approche qui ne se fonde pas uniquement sur les aspects formels de cette littérature mais aussi sur son contenu – une littérature dont l’objet est d’exprimer de façon simple et spontanée, loin de tout artifice ou pédantisme, l’essence de son peuple et les avancées que celui-ci a réalisées en termes de civilisation ; une littérature du récit oral autant que du récit imprimé qui tire profit de l’oralité pour se perpétuer et suscite les vocations au sein du groupe pour assurer la continuité de la production. A-t-elle disparu des mémoires que cette littérature cesse en effet d’exister. Aussi faut-il veiller à la conserver par l’écrit, l’image et les films documentaires mais aussi en l’intégrant aux programmes scolaires depuis l’école primaire jusqu’à l’université.
4 – La littérature populaire est un art vivant, elle est liée à la vie qu’elle interpelle et avec laquelle elle interagit. C’est pourquoi l’étude a mis l’accent, sur des termes tels qu’héritage, legs, patrimoine populaire…, qui sont employés pour traduire le mot ‘’folklore’’. L’auteur met l’accent sur l’essence de la littérature populaire ainsi que sur son caractère spontané ou organique, c’est-à-dire sur le fait que cette littérature est le fruit d’expériences et d’interprétations de personnes liées par une interaction relevant de la foi, de l’économie, de l’appartenance sociale. Sur cette base, l’étude présente une nouvelle perception de ce champ littéraire et de ses spécificités qui part de l’observation des manifestations matérielles, spirituelles, artistiques de cette littérature. L’établissement de ces catégories ne saurait être définitif, eu égard à cette vitalité qui est au principe de la littérature populaire et qui n’obéit pas à une quelconque logique scientifique.
5 – L’auteur en arrive à la conviction que l’élément déterminent en ce qui concerne le folklore n’est ni l’enregistrement, ni l’oralité, ni le fait que telle œuvre a été conçue par un lettré ou telle autre par un illettré, mais la manière dont la création originale s’inscrit dans la continuité des traditions et de la sensibilité profonde du groupe, et assure la communication entre l’individu et le groupe, tout en portant les marques annonciatrices de la pérennité de ce groupe.
6 – Il serait peut-être utile, pour conclure, d’insister sur la possibilité de veiller à l’avenir à ce qu’une une autre catégorie soit prise en compte aux côtés des autres genres de la littérature populaire, celle de la littérature populaire électronique ou numérique ou, si l’on préfère, la littérature populaire dans le monde virtuel, compte tenu de la grande masse de textes, de formes d’expression populaires, d’arts, de comportements, d’us et coutumes, d’images, etc., qui peuplent désormais ce monde.