LE CAFÉ CHEZ LES ARABES
Issue 11
Elle joue le même rôle lorsqu’il s’agit d’une cérémonie de demande en mariage, d’un accord en vue de l’abandon ou de la cessation d’une vendetta, du renoncement à tel ou tel droit. Avant de détailler les rites et protocoles du café, l’auteur a estimé nécessaire de partager avec le lecteur une interrogation qui n’a cessé de le tenailler.
Nous vivons, estime-t-il, à une époque qui n’augure nullement, en ce qui nous concerne, d’une réaction culturelle et sociale unifiée face à une invasion culturelle qui vise, au premier chef, à mettre à mal, à travers notre organisation sociale, les spécificités de notre culture, qui s’immisce avec arrogance dans notre mode de vie, et tente d’imposer des alternatives étrangères à notre histoire, à notre patrimoine et à nos savoirs, de dévaloriser même nos comportements sociaux et de jeter le doute sur leur efficience.
Cette invasion se fonde sur l’idée que notre système socioculturel de vie a été incapable de nous conduire vers le progrès scientifique, comme si c’était là la cause de notre retard. A l’opposé, le système de valeurs occidental est présenté comme plus adapté à l’époque, puisqu’il est le reflet de la culture du plus fort.
Mais en quoi les coutumes et les traditions culinaires ou vestimentaires des peuples de l’occident ont-elles contribué à leur avancement ? Ne s’agit-il pas, bien plutôt, d’une campagne organisée qui vise en fait à gommer la mémoire des peuples vaincus et affaiblis, à les éloigner de leur identité civilisationnelle en creusant le fossé entre leurs générations, de sorte à ce que le la nation est passée dans l’élaboration
de l’ensemble de ses savoirs.
Salah Al- Shahawy(Égypte)
Nul ne doit minimiser le moindre aspect de cet ensemble. Au contraire, chaque membre de la nation doit considérer le plus petit détail de sa vie quotidienne comme porteur de sens et de valeur et comme investi d’un rôle face aux campagnes, organisées ou chaotiques, qui nous visent au coeur même de notre nation, qui ne cessent d’exercer des pressions et de multiplier les offensives pour effacer tout ce qui est enraciné au plus profond de notre être, de nos comportements et, partant, porter atteinte à notre identité.
Il peut se faire que le café, dans notre culture orale populaire arabe, tel qu’il est préparé, présenté, dégusté, c’est-à-dire en tant qu’il est un élément essentiel de notre socialité, ne fasse pas l’objet d’une attention particulière de la part de beaucoup de nos chercheurs actuels qui ne verraient pas d’intérêt à en interroger les multiples significations, le considérant comme une donnée inscrite dans le mouvement du quotidien et faisant partie de ces rites tellement communs et répandus qu’on tendrait à les considérer comme relevant des réalités les plus élémentaires sinon les plus banales.
Mais, à considérer les richesses que recèle notre héritage culturel relativement au café, aux assemblées, majlis et diwans dont il est le centre, aux poésies, dictons populaires, expressions courantes auxquels il a donné lieu, au lexique des ustensiles liés à sa préparation, aux rites et proverbes qui lui furent consacrés, cordon ombilical avec le patrimoine soit coupé ? Ainsi, les jeunes générations ne pourront tirer les leçons de leur propre histoire, ni bénéficier des expériences de leurs prédécesseurs, ni tirer parti de leurs échecs et de leurs réussites, et seront, dès lors, une proie facile et une pâte malléable entre les mains de ceux qui voudront les façonner à leur guise.
On comprend, ici, la nécessité de documenter et de conserver notre patrimoine populaire, afin que les générations futures puissent s’en imprégner. La culture d’une nation est inscrite dans ses savoirs, ses coutumes, ses traditions, son mode vie, sa conception de l’existence. Le patrimoine populaire apparaît à cet égard comme la composante la plus importante de cette culture car il résume en soi le système d’existence des différentes catégories sociales autant qu’il synthétise les expériences par lesquelles
Salah Al- Shahawy(Égypte)