LES CHANTEURS DE REBABA DANS « L’ILE DE L’EUPHRATE »
Issue 33
Abdelhamid Berkou
Cette étude présente la première classification des chanteurs de rebaba (le mot se rencontre également au masculin : rebab) dans « Al Jazira al fouratia » (L’île de l’Euphrate), dans les temps anciens mais aussi à l’époque actuelle.
L’auteur a réussi, au terme d’une année entière de recherches ardues sur le terrain, dans cette région – al Jazira al fouratia, qui s’étend sur des territoires allant de l’Irak à la Turquie en passant par la Syrie – à classer les chanteurs de rebaba, dans cette partie du Moyen-Orient, en se fondant sur un travail préalable de collecte de chansons populaires dans cette région qui lui avait demandé près de cinq années d’efforts sur le terrain. L’étude de centaines de cassettes lui a permis d’aboutir à une classification fondée sur les critères suivants :
- La qualité de la performance (voix et jeu sur la rebaba mais aussi cohésion des deux performances).
- La célébrité et l’opinion du public.
- L’opinion des spécialistes, des chanteurs et des poètes reconnus.
- Le point de vue des vendeurs de cassettes et de CD.
- La prise en compte des formes et des variétés de jeu ainsi que de la qualité des textes poétiques populaires chantés.
- Les sujets et les thèmes des chansons.
L’auteur estime avoir réussi à classifier la totalité des chanteurs de rebaba dans la région de l’«île de l’Euphrate », conformément à la typologie suivante :
- Le cas du chanteur ambulant :
Un groupe de chanteurs ambulants allaient, à l’époque, de village en village en chantant et en jouant de leurs rebaba, ils chantaient des morceaux légers de tarab (musique pour grand public) sans se soucier des règles et des principes des arts populaires chantés, recherchant seulement le gain matériel.
Appartenaient également à cette catégorie des chanteuses appelées al hajjiet qui chantaient les chansons populaires, en particulier les arts du souihli et de l’aboudhia, accompagnées du joueur de rebaba. L’auteur cite, à titre d’exemple : Wahida Khalil, Nouria Ibrahim, Souriya Hussein…
- Les chanteurs de barsim:
Il s’agit de musiciens et de chanteurs ambulants qui, outre le chant et le jeu sur la rebaba, racontent au public des anecdotes, des contes, des fables, mais aussi l’histoire de héros, d’êtres d’exception, faisant, dans ce dernier cas, le panégyrique de ces âmes généreuses, pleines de courage et d’altruisme. Tout un art, transmis de père en fils, est exercé par ces musiciens ambulants dans les grandes occasions, fêtes de mariage, notamment, et autres festivités.
L’auteur a rencontré certains de ces artistes dans les districts de Haské et de Qamshali et organisé autour d’eux de nombreux séminaires, consacrés au patrimoine populaire. Il cite, notamment :
Feu Charif Mustapha Al Barsim, Mustapha Hamad Al Barsim, Ayech Charif Al Mustapha et Ibrahim Al Mustapha.
- Le chanteur créateur :
C’est le véritable artiste populaire qui possède les dons et la virtuosité artistiques nécessaires pour chanter tout en jouant à la perfection de la rebaba. Cet artiste s’est élevé vers les plus hautes performances pour illustrer le patrimoine populaire, enchanter son public et faire avancer son art sur le chemin méandreux du progrès musical. Il a en même temps contribué à la conservation des arts du chant populaire de l’Euphrate qui étaient menacés par l’oubli, en hissant les performances aux plus hauts niveaux de l’excellence, tant par la beauté du chant que par les admirables compositions musicales.
L’auteur s’est essentiellement consacré à l’étude et à la classification de ce type de chanteur, sur toute la période s’étendant du XVIIIe à la fin du XXe siècle.
Les chanteurs de rebaba au XVIIIe siècle :
Un nombre important de grands poètes et chanteurs ont connu la célébrité au XVIIIe siècle en circulant entre les deux fleuves d’al jazira al fouratia. L’un des plus connus était le poète Abdullah al Fadhel dont on dit qu’une tragédie personnelle fut derrière l’explosion de son génie qui l’amena à composer des vers qu’il chantait en s’accompagnant de sa rebaba.
Les chanteurs de rebaba au XIXe siècle :
Parmi les poètes chanteurs les plus réputés de ce siècle, l’auteur cite : Aqqar al Bagdadi et Hamad Chouaieb ainsi que la poétesse Fetayyem al Bachir qui se contentait d’écrire et de chanter ses vers sans jouer de la rebaba.
Les chanteurs de rebaba au XXe siècle :
Les arts du chant populaire de cette région de l’Euphrate ont connu un essor prodigieux, aussi bien au niveau de l’écriture poétique, du chant, de la musique que de la richesse thématique. Un nombre considérable de poètes et de chanteurs sont venus, au cours de ce siècle, occuper la scène de la chanson populaire.