LES COUUTMES ET TRADITIONS DU MARIAGE EN ALGERIE SELON LE RITE DE SIDI MAAMER L’exemple de la région de Chlef
Issue 32
Amal Attia
Algérie
Nul doute que le but de Sidi Maamer ne fût, lorsqu’il instaura la coutume qui porte son nom, de faire œuvre de bien, en facilitant le mariage à des jeunes qui n’en ont pas les moyens. Sidi Maamer nous apparaît comme un réformateur social qui a libéré les gens du poids de l’ostentation et des dépenses excessives liées aux cérémonies de mariage. Les récits cités par l’auteur mettent en lumière les circonstances dans lesquelles cet homme de grande vertu a vécu ainsi que certains aspects de la vie sociale en rapport avec son action. Cet homme a notamment essayé de trouver des solutions, au vu de certaines formes de transgression, en rapport avec la pression sociale. Ainsi en était-il des rencontres clandestines entre jeunes gens des deux sexes qui finissaient par jeter l’opprobre sur la famille de la jeune fille: faciliter les mariages était la meilleure façon de préserver la morale et l’ordre au sein du groupe.
Au plan économique, on sait qu’en ce XVe siècle les hommes s’abaissaient à exercer de vils métiers avec des salaires bas, ce qui a amené Sidi Maamer à limiter le montant de la dot (mahr) dont l’époux devait s’acquitter. En autorisant ensuite la mariée à sortir, si elle ne pouvait faire autrement, pieds nus de chez ses parents, il a voulu transmettre un clair message : que la mariée porte la plus belle paire de chaussures ou qu’elle n’en porte aucune, elle n’en sera pas moins une mariée : le dénuement ne la rend pas moins belle et n’affecte nullement son statut de jeune mariée, en d’autres termes, tout un chacun se doit de savoir que la pauvreté ou la gêne ne constituent aucunement un handicap. En incitant la famille de la mariée à ne prendre aucune nourriture chez le marié avant la fin de la nuit de noces, Sidi Maamer a voulu que cette famille signifie par là qu’elle a le sens de l’honneur, qu’elle est fière et sans convoitise, et qu’il lui suffit de voir son enfant heureuse: dans la réalité des faits, il s’agissait d’alléger la charge du repas de noces qui incombait à la famille du marié.
Il est vrai que la charia ne fixe pas le montant du mahr (dot), laissant cela à la discrétion de chacun, mais les enseignements de ce saint homme ont constitué une réponse aux conditions socioéconomiques qui prévalaient à l’époque. Sidi Maamer a en effet plafonné le mahr. Entourant les épousailles d’une aura de sainteté, l’homme de vertu, fort du respect que lui vouent les gens, a fait en sorte que tous ceux qui contreviennent à ses ordres soient frappés de malédiction.
En facilitant les rites du mariage, Sidi Maamar a voulu parer aux situations de transgression dans lesquelles les jeunes peuvent se laisser entraîner, comme l’illustrent les rencontres à l’abri des regards entre jeunes gens, évitant ainsi la honte aux familles ayant des jeunes filles à marier. En limitant le mahr il a rendu le mariage plus accessible au plus grand nombre, et cette limitation n’est rien de plus, d’après l’auteur, qu’une ruse pour éviter le plus possible que les jeunes ne tombent dans le péché.
Le plus étrange est que la population continue, aujourd’hui encore, à se plier aux préceptes de Sidi Maamer, considérant que son enseignement a une valeur intemporelle. De nos jours Les rites du mariage maameri (du nom du saint homme) sont restés vivaces et la personnalité du ouli (saint) tout autant que les traditions qu’il a établies ont continué à vivre au sein de la société algérienne. De tels rites constituent un héritage culturel autant qu’un signe identitaire national que les familles maamériennes d’Algérie ont su conserver depuis des siècles.