Revue Spécialiséé Trimestrielle

UNITE ET MULTIPLICITE DANS LA POESIE ORALE FEMININE

Issue 31
UNITE ET MULTIPLICITE DANS LA POESIE ORALE FEMININE

Fatima Al-Dulaimi

Maroc

Les penseurs, de façon générale, et en particulier les sociologues et les anthropologues se sont intéressés à la question de la naissance et du développement des cultures du monde, ce qui a donné naissance à une vision anthropologique, connue sous le nom de théorie de la dissémination dont les tenants partent de l’hypothèse que les contacts entre les différents peuples a produit une interaction culturelle et la dissémination de certains pour ne pas dire de la totalité des signes culturels.

 

Les défenseurs de ce courant de pensée posent que le processus de dissémination part d’un foyer de culture unique avant de passer avec le temps vers les différentes régions du monde, mais ils ne sont pas d’accord sur l’emplacement géographique de ce foyer primordial. On a vu apparaître ensuite le concept de sphère culturellequi suppose l’existence de nombreux foyers primordiaux de culture dans plusieurs régions du monde. La rencontre entre les cultures a donné naissance à des sphères culturelles ; des processus de brassage (ou de métissage) se sont produits et diverses formations sont apparues qui expliquent les différences apparentes entre les principales cultures. Le problème est que l’absence ou l’insuffisance des documents écrits rend difficile la vérification de l’existence d’attaches et de migrations derrière les similitudes culturelles. Ce qui est certain c’est que l’intérêt pour les contes populaires et pour d’autres formes d’art a permis de découvrir des ressemblances entre certains types de contes et autres récits. Mais la similitude ne signifie pas nécessairement le contact direct ; elle peut, cependant, renvoyer à de similitudes entre les structures sociales ou à des analogies entre les expériences humaines.

A titre provisoire, l’auteur s’est contenté, ici, de réunir certaine similitudes observées dans les poésies orales féminines, se réservant de mener ultérieurement une nouvelle enquête pour décider de la possible existence d’une origine commune ou de l’existence d’origines diverses.

Un parcours à travers la poésie orale féminine Mohamed el Fassi écrit dans son ouvrage sur

les quatrains des femmes de Fez“:

Ces ‘ouroubiat (poésies d’inspiration arabe et/ou bédouine) tournent, toutes, autour du sentiment amoureux; elles expriment avec sincérité les sentiments profonds qui affectent le cœur des amants, ce qui leur confère un air de douceur et de beauté et leur donne un cachet particulier dont l’auteur déclare qu’il ne l’a observé nulle part dans les littératures du monde, sauf pour certains chants des geishas japonaises. Le plus curieux est que ces deux formes poétiques, les ‘ouroubiat et les chants des geishas, sont les deux seules formes poétiques produites par des femmes que l’on trouve dans le monde et dont la thématique tourne autour de l’amour.

Nul doute que les ‘ouroubiat des femmes de Fez ne recèlent de grandes beautés chargées d’émotion, mais le spécialiste de la poésie orale féminine ne manquera pas de noter l’existence:

- de poésies qui ne sont pas moins belles, dont on peut citer, en particulier, el landi, el hagini, el houfi el tlemçani qui non seulement présentent des similitudes esthétiques et thématiques avec les quatrains fassis mais sont, elles aussi, récitées par les fillettes lorsqu’elles jouent sur la balançoire.

- d’autres types de poèmes qui se caractérisent formellement par la brièveté, chaque poème se réduisant à un ou deux vers.

En outre, ces formes poétiques brèves ne relèvent pas uniquement de la création féminine, il existe un genre poétique nippon d’inspiration zen, appelé le haïku, où le poème, qui consiste en un seul vers avec trois articulations, exprime un instant que le poète, le prêtre ou le philosophe capte dans son immédiateté. La brièveté est, ici, symbole de sagesse et hommage rendu à la suprématie du silence.

 

 

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