LES DANSES LASCIVES : LEUR ORIGNE ET LEUR HISTOIRE
Issue 29
L’un des mots que l’on entend le plus souvent dans les cérémonies de mariage et autres festivités, à quelque classe sociale que l’on se réfère, est le mot de « ‘awalim » (littéralement : les savantes) que l’on emploie aussi dans un esprit grivois. Que la fête se déroule dans un hôtel cinq étoiles ou dans une impasse étroite, au milieu d’un quartier surpeuplé, la demande est toujours forte sur ce type de performance corporelle, par ailleurs tant décriée.
Les ‘awalim ont été, tout au long de la seconde moitié du XIXe et de la première moitié du XXe siècles, appelées pour animer les fêtes de mariage ainsi que d’autres types de cérémonies, privées ou publiques, dont les danses qu’elles exécutaient étaient l’un des moments forts. Elles continuent, aujourd’hui, à se produire dans certaines de ces fêtes ainsi que dans diverses célébrations populaires. Des troupes uniquement consacrées ce genre de performance viennent encore agrémenter les cérémonies de mariage.
Parmi les instruments dont s’accompagnent ces danseuses, quel que soit le milieu où se produit le spectacle, nous pouvons citer :
- le candélabre : les danseuses le placent sur la tête ; il peut prendre diverses formes et n’a cessé de changer avec le temps, pour des raisons fonctionnelles ou pour s’adapter aux évolutions de chaque époque ; le candélabre de la fin du XIXe siècle n’est pas celui du XXe, et celui que l’on voit de nos jours fonctionne à l’électricité.
- les sajet : qui sont des petites boules métalliques que la danseuse attache à ses doigts pour produire des sons qui participent à la percussion et donnent son rythme à la danse ;
- les tambourins : sur lesquelles frappent les danseuses elles-mêmes, à moins qu’ils ne soient utilisés par la troupe musicale qui les accompagne, voire par l’un ou l’autre des invités.
Chacun de ces instruments a son histoire, ses racines et sa raison d’être dans les us et coutumes ainsi que dans la vision populaire qui a prévalu en Egypte, au long des siècles, mais aussi dans les croyances religieuses. Certains sont nés d’une idée que l’inspiration a enrichie et développée pour aboutir à la forme qu’on leur connaît, aujourd’hui ; d’autres n’ont guère évolué, que ce soit au niveau de la forme ou de l’utilisation.
Les danseuses qui se sont spécialisées dans ce type de performance continuent jusqu’à présent à se servir du candélabre, dans les fêtes de mariage où les pas de danse s’accompagnent de musique et de chants. La danse commence à la porte de l’hôtel lorsque les deux mariés procèdent lentement, entourés de leurs amis et de leurs familles, vers la salle des fêtes où tout a été préparé pour la cérémonie. Les danseuses utilisent de façon synchrone, au cours de cette procession, tambourins ou sajet, ou, parfois, les deux. La même gestuelle se retrouve dans bien d’autres types de mariages ou de cérémonies qui se déroulent dans d’autres lieux, la chorégraphie commençant dès l’entrée de l’endroit et se poursuivant jusqu’à ce que les mariés aient pris place. Seul varie le nombre des danseuses et des musiciens qui les accompagnent.
Dans le passé, les danseuses entamaient leur programme devant les invités après qu’elles ont terminé la danse des épousailles et que les mariés sont arrivés. Mais les choses ont changé de nos jours, la performance est exécutée par une ou plusieurs danseuses que l’on appelle les danseuses de « l’oriental » sur une musique produite par une troupe ou simplement enregistrée. Quant à la nature de la musique et des chansons, rien ne semble avoir changé depuis le début du XIXe siècle, excepté une certaine accélération du rythme et l’introduction d’airs à la mode.
La corruption régnait partout, en Egypte, au temps des Mamelouks, lesquels étaient coupés du peuple égyptien. C’étaient, d’ailleurs, le plus souvent des bâtards et portaient des noms fort singuliers, tels que Qalawun, Baybar, Qatez, etc. Les Egyptiens les appelaient, d’ailleurs, awled en-nass (les fils de personne) parce qu’on ne leur connaissait pas de géniteur. Les potentats de cette époque étaient, comme c’est encore le cas un peu partout, des hommes, mais les femmes avaient la haute main sur bien des secteurs de la vie publique et connaissaient les secrets et les rouages du sérail. Nous parlons bien entendu de femmes de grande beauté et qui usaient de tous les raffinements pour mettre en valeur leur féminité. Elles apprenaient la danse et le chant ainsi que les autres arts de la séduction de façon à pouvoir jouer un rôle prééminent au palais. C’est de là que vient ce surnom de ‘awalim (pluriel de ‘alima : savante) que l’on donne encore à ces spécialistes de la danse lascive, sans doute parce qu’à côté de leur savoir-faire elles ont toujours eu accès aux secrets les mieux enfouis de la société.
Tameer Yahya
Egypte