LA BIOGRAPHIE Méthodologie et techniques de la recherche
Issue 29
IL’étude porte sur la méthodologie de la biographie qui est considérée comme une approches parmi les plus importantes dans les différents domaines des sciences sociales et humaines. Il s’agit, pour être plus exact, d’un excursus cognitif ou d’une approche visant à mettre en évidence la dynamique intellectuelle qui a animé ceux qui ont introduit cette méthodologie dans les champs de la sociologie et de l’anthropologie, mais aussi à révéler la richesse de ces strates de savoirs dont le cumul a conféré, depuis plus d’un siècle, son dynamisme à ce type d’approche. Les chercheurs continuent encore à découvrir, jour après jour, la biographie et la profondeur des indications et significations cognitives qu’elle révèle, dans tous les domaines de la science.
Il faut cependant reconnaître que la bibliothèque arabe reste encore démunie en ce qui concerne les débats épistémologiques autour de l’importance du recours à la méthode biographique. Est-il, du reste, besoin de souligner que l’interaction scientifique entre les différents domaines des sciences sociales et humaines en est encore chez nos chercheurs à ses premiers balbutiements ?
Il importe de noter que certaines sciences sociales qui se fondent essentiellement sur la recherche qualitative, comme c’est le cas pour l’anthropologie et la socio-psychologie, sont encore considérées dans nos institutions comme des sous-disciplines de la sociologie classique. C’est ce qui explique notre retard épistémologique quant à l’utilisation de cette importante méthode, un retard que nous nous devons de combler, d’autant plus que nous appartenons à des sociétés confrontées à des mutations rapides que nous avons grandement besoin d’identifier sur les plans intellectuel et historique car ce sont elles qui peuvent nous révéler le type d’hybridité par laquelle nous qualifions la réalité des mutations que nous vivons aujourd’hui.
La biographie est, dans sa plus simple définition, l’histoire d’une vie qui raconte la mémoire d’un individu ou d’un groupe social donnés avec leurs spécificités culturelles. Cette histoire est rapportée sur le mode du récit, en conformité avec ce que le narrateur a vécu. Celui-ci a toute liberté de structurer et d’expliciter les événements qu’il a vécus. La mémoire des faits peut être transmise par le narrateur lui-même : nous parlerons alors d’autobiographie, comme elle peut être reconstituée par le chercheur à travers une fidèle restitution des étapes d’une vie afin de conduire le lecteur au cœur d’un vécu : nous avons alors affaire à une biographie.
Conformément à cette définition, la spécificité épistémologique de la méthode biographique réside dans le fait que la biographie décrit les manifestations humaines comme autant d’événements représentées culturellement et temporellement sous la forme d’une édification de l’identité humaine selon l’ordre des parcours sociaux et sur fond de mutations culturelles. L’autre particularité de cette méthode c’est qu’elle considère la biographie comme un récit riche de significations que l’on ne peut comprendre qu’à travers un effort spécifique qui prend en compte simultanément la nature humaine du chercheur et le sens naturel de ces manifestations.
La notion de biographie exige, comme toute autre notion relevant des sciences sociales, d’être discutée, sur le plan intellectuel, et soumise à de multiples études expérimentales de nature à montrer de quelle façon l’analyse de la finalité et de l’utilisation de cette méthodologie pourrait s’appliquer à diverses expériences. On ne comprend la portée d’une telle réflexion que si l’on comprend le rôle que joue cette méthodologie dans le domaine de la recherche, rôle qui doit aider le chercheur à expliciter scientifiquement sa démarche intellectuelle.
Maha Kayal
Liban