SANCTUAIRES ET MAUSOLEES DANS LE JARDIN RADIEUX DE DAMAS LA FLEURIE DE NOOMAN KASSATLY
Issue 27
La symbolique de la visite aux sanctuaires et de l’imploration des saints est de nature à inciter le chercheur à s’interroger sur le rapport de ces pratiques avec « la religion, en tant qu’elle est législation et credo relevant de la révélation, et la religiosité, en tant qu’elle est forme d’adoration où cohabitent facteurs religieux et facteurs culturels. La religiosité, qui constitue une pratique rituelle exercée à l’intérieur du groupe, reste soumise à la relativité du temps et de l’espace. La forme qu’elle prend est toujours l’expression des forces et des intérêts qui la soutiennent : elle demeure tant que ces forces sont vivaces et s’efface dès lors qu’elles disparaissent. »
L’auteur analyse le phénomène des sanctuaires et mausolées – où reposent des saints et des savants pleins de piété – dans son rapport avec les croyances populaires et la structure sociale et cognitive de la société syrienne. Il met l’accent en particulier sur les sanctuaires, mausolées et tombeaux de la ville de Damas pour illustrer le développement de ce phénomène.
On a écrit que « l’objet d’adoration peut être proche et palpable, c’est-à-dire doté d’une présence dans le monde matériel. L’homme a en effet créé, au long de son histoire, des symboles précis à travers lesquels il a exprimé une idée de transcendance ou de sacralité. Il a fait des éléments de la nature autant de représentations concrètes de cette idée, si bien que le sacré se manifeste dans des espaces bien déterminés. Le lieu sacré peut être aussi bien une montagne qu’une pierre, un arbre ou une source auxquels on prête une force invisible, capable d’intercéder en faveur – ou au détriment – de l’homme. Le temps est également divisé, selon la même logique, en temps sacré et temps profane. Toute société humaine dispose de cycles précis qui ont un caractère exceptionnel ; ces cycles reviennent continuellement ou sont revivifiés selon des règles strictes définies par les croyances de cette société, le temps sacré étant soit un temps indéterminé et transcendant, soit un temps susceptible d’être revécu au moyen de rites particuliers. »
La religiosité a également une dimension sociale. La religion est foi et pratique, elle aide les individus à développer leur sentiment d’appartenance au groupe, leur apporte un réconfort moral et renforce la cohésion et la stabilité sociales, à moins qu’elle ne devienne, au contraire, le moteur essentiel des révolutions ou des grands mouvements réformistes. Le rapport de la religion au lieu, au temps et à l’homme est celui des frontières qui séparent le sacré du profane, le semblable du différent, de sorte que l’identification devient un élément essentiel dans la production des identités aussi bien que dans la formation des groupes humains, qu’il s’agisse de castes restreintes ou de l’agglomération de plusieurs castes.
On pourrait, en outre, résumer cette approche du religieux en soulignant que la religion ou les formes de religiosité sont des systèmes formés de quatre éléments :
1 – la credo : qui explique la vie et fixe les règles fondamentales ;
2 – la législation divine : c’est-à-dire les lois et règles auxquelles le groupe doit se soumettre pour réaliser les objectifs liés au credo ;
3 – les rites : qui sont les actes à caractère religieux qui mettent en application les fondements du credo et déterminent le temps et le lieu sacrés, tant au plan spirituel que matériel ;
4 – le groupe : c’est-à-dire toute communauté humaine adhérant aux mêmes croyances et pratiquant les mêmes rites.
La pratique religieuse est « le moyen par lequel nous organisons le lieu, le temps et les rites que nous suivons ; elle est l’expression des limites que nous assignons à notre existence et à notre position à l’intérieur de la société ; ces limites peuvent être internes et avoir un caractère psychologique comme elles peuvent avoir des extensions externes et revêtir une forme sociale. La position que nous occupons au sein d’un groupe est en même temps la cause et la conséquence de ces limites psychologiques et sociales auxquelles nous adhérons solidairement avec telle catégorie sociale ou avec le groupe en tant que tout. Les niveaux d’identification diffèrent selon la nature du credo, de la pratique religieuse et du positionnement psychologique et social déjà évoqué. »
On peut déduire de ce qui précède que l’appartenance à une religion est une nécessité humaine et que la religiosité est liée à la manière par laquelle l’homme se positionne dans le monde, en tant que celui-ci est espace, et dans l’Histoire, en tant que celle-ci est temps, et actualise son être au monde conformément à des limites et à des règles psychologiques et sociales. Tel est le cadre dans lequel s’inscrit le phénomène des visites aux sanctuaires et aux mausolées.
Hamdadou ben Omar
Algérie