Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE CONTE POPULAIRE : ETRE OU NE PAS ETRE

Issue 23
LE CONTE POPULAIRE : ETRE OU NE PAS ETRE

Cette étude vise moins à comparer le conte populaire à la nouvelle ou à tout autre forme de création à partir de ce type de récit qu’à étudier les transformations que subit le conte populaire du fait des diverses tentatives de réécriture ou de reformulation. Car, fort souvent, le conte perd, dans ces tentatives, une bonne part de son expressivité, de sa symbolique ou de sa force de suggestion.

 


 L’étude ne porte pas non plus sur les multiples essais de traduction ou de nouvel « habillage » sous la forme de nouvelles, romans, pièces de théâtre, etc. de certains contes populaires. Elle met surtout l’accent sur l’imitation du discours narratif du conte dans un style qui diffère d’une certaine façon des stéréotypes narratifs du conte traditionnel.
Il est sans doute inutile de souligner la dette que de nombreux créateurs reconnaissent aux cultures populaires, et particulièrement au conte. En fait, la fascination qu’exerce la culture des peuples sur la plupart des créateurs, des penseurs et autres acteurs de la sphère culturelle ne s’est jamais démentie. Il faudrait même souligner la prééminence, dans ce domaine, du conte populaire dont les spécialistes soulignent notamment la place de choix qu’il occupe dans les médias. Les contes de Grimm ou Alice au pays des merveilles n’ont en effet jamais cessé de parler à l’imagination des petits et des grands. Au Soudan, les histoires de Fatima la clémente ou celles du Fils du tigre (Woud en-numeir) sont partie intégrante de la sensibilité de chaque individu, et les gens ne se lassent pas d’en écouter les épisodes ou de s’émerveiller devant les adaptations scéniques qui leur confèrent une nouvelle dimension artistique.
Beaucoup de ceux qui ont traité de la question de l’usage qui est fait de ce patrimoine narratif sont convaincus de la nécessité de modifier la structure ou le contenu du conte ou de la légende populaires. Leurs arguments sont multiples : certains estiment, par exemple, que la forme du conte populaire n’est pas adaptée au goût de l’époque ; d’autres vont jusqu’à dire que c’est la littérature populaire elle-même qui doit être renouvelée.
Les chercheurs qui travaillent sur le folklore soudanais sont à cet égard grandement redevables au Bureau des publications qui a été créé, dès avant l’Indépendance (1956), en tant que Direction relevant du Ministère de l’Instruction publique. Ce bureau s’est en effet attelé à collecter les contes populaires, ouvrant ainsi la voie à un travail intensif de recherche sur la littérature populaire au Soudan. Et c’est dans ce cadre qu’Abdallah Tayeb a œuvré à réunir les différentes versions des contes populaires du pays dont certaines ont pu être publiées. La présente étude est précisément organisée autour de l’analyse de l’un de ces contes : Fatima as-samîha (Fatima la clémente).
Au terme de cette étude, il est important de reconnaître que le travail d’avant-garde accompli par le Bureau des publications ainsi que par les pionniers de la recherche dans le domaine du folklore a ouvert de vastes perspectives devant les spécialistes de la culture populaire, en général, et du conte, en particulier. Même si le recours au récit populaire en tant que source d’inspiration est relativement récent, dans le contexte culturel du Soudan, il n’a guère porté atteinte, la plupart du temps, à ce patrimoine culturel pas plus qu’il ne l’a instrumentalisé à des fins politiques, commerciales ou intellectuelles, comme ce fut souvent le cas en Europe, par exemple. Il reste que beaucoup d’écrivains ont mal compris la nature du folklore et n’ont pas su déceler le rapport dialectique indissoluble qui existe entre la forme et le fond dans le récit populaire. Quoi d’étonnant à ce que ces écrivains se soient occupés du contenu narratif dans ce type de récit, en négligeant la fonction du narrateur ou de l’aède et en oubliant qu’il s’agit d’une performance toujours renouvelée qui repose sur quatre piliers : le conteur, le public qui participe à l’élaboration de la performance narrative, le texte et le contexte dans lequel ce texte est actualisé !
En un mot, beaucoup d’auteurs ont appréhendé le conte en tant que texte et non pas en tant que performance. L’auteur se penche, à titre d’illustration, sur quatre exemples de travaux. Deux sont l’œuvre d’auteurs connus, le folkloriste Abdallah Al Tayyeb et le romancier et nouvelliste Ibrahim Ishaq ; les deux autres ont été élaborés par des étudiants du Département de traduction  de l’Université de Khartoum, avec l’aide de leurs professeurs.


Mohamed Mahdi Buchra
Soudan

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