LES PLANTES MEDICINALES DU PATRIMOINE POPULAIRE A L’EDIFICATION DE LA CIVILISATION UNIVERSELLE
Issue 16
Faouzia Saïd Al Salah ( Bahreïn)
L’étude chimique et clinique des familles de médicaments, de drogues et autres produits pharmaceutiques extraits de végétaux a contribué à la connaissance de l’histoire et du patrimoine des peuples. Les produits naturels – qui sont les composantes des plantes médicinales – ont joué un rôle essentiel dans la coexistence des différents êtres vivants au sein de la nature, et c’est cette coexistence qui a permis la formation des milieux dont ceux où évoluent les hommes, dans toute leur diversité.
Les multiples usages des plantes médicinales et l’efficacité avérée des médicaments extraits des plantes ont permis de connaître la nature des activités humaines qui sont la base de la culture des peuples. Le recours, par exemple, à la camomille pour contrer le poison des vipères ou parer aux états de fureur montre que l’on a affaire à des peuples nomades.
Les analyses chimiques et l’extraction des matières les plus efficaces sont devenues le souci premier des spécialistes de la chimie des végétaux, d’autant plus qu’elles sont étroitement liées à la médication populaire chez de nombreux peuples. Les Indiens, par exemple, ont utilisé pendant trois mille ans – et les Africains pendant des centaines d’années – la plante appelée « rauwolfia » comme contrepoison ou pour faire disparaître les taches blanches du globe oculaire. Les analyses chimiques ont prouvé que l’utilisation du composant « reserpine » de cette plante est d’une réelle efficacité dans bien des traitements. Les évolutions technologiques dans le domaine de la chimie, à l’époque moderne, ont permis de séparer et de sélectionner d’autres composantes chimiques utilisées dans les médecines populaires et de définir une feuille de route concernant l’établissement d’une claire démarcation entre la médecine et les diverses pratiques de la sorcellerie.
Les innombrables études portant sur l’évolution de l’être humain, en Australie, en Amérique, en Afrique, voire même dans l’Europe moderne, montrent que le développement des souches a pour l’essentiel été le résultat des utilisations populaires de ces plantes à des fins médicales. Les méthodes de collecte, de stockage, d’extraction et de préparation des médicaments, la multiplicité des inventions et des solutions furent autant de manifestations de la culture populaire que les civilisations ont développée, véhiculée et transmise les unes aux autres.
Les sociétés humaines ont appréhendé de façon scientifique les différents traitements. Les avancées culturelles qui ont été à la base de l’efflorescence des civilisations ont jeté les fondements du savoir scientifique au sein de sociétés primitives réparties sur les marges de la géographie de notre monde. Il n’est pas de société si peu évoluée soit-elle qui n’ait connu, depuis les premiers temps de l’histoire, un domaine de spécialisation où ceux qui étaient investis du pouvoir de guérir étaient appelés les sages ou les herboristes ou encore les maîtres des essences, etc. Ces hommes avaient pour premier souci de préserver par tous les moyens les secrets de leur science et de ne rien révéler au commun des mortels des mystères des médications qu’ils prescrivaient.
Tel fut également le cas pour le Bahreïn qui fut célèbre pour ses parfumeurs (que l’on appelait dans le dialecte local les hawaj) et ses médecins traditionnels. Le plus grand secret entourait en effet le travail de ces praticiens, ainsi que nous l’avons constaté, lors de l’étude que nous avons menée sur le métier de parfumeur. Celui-ci observe le plus grand secret autour de sa pratique et considère les mélanges qu’il effectue comme un secret professionnel. C’est pourquoi nous affirmons que les produits médicamenteux à base de plantes ne sauraient être produits qu’au sein d’un environnement bien déterminé et visent par définition à guérir le corps sur les deux plans physiologique et psychologique. C’est l’efficacité clinique qui détermine les protocoles de préparation des herbes médicinales, et seule l’expérience scientifique et pratique permet au spécialiste d’intervenir dans ce domaine.
Les découvertes scientifiques de médications populaires efficaces est l’un des indices de l’évolution de l’espèce humaine, à travers les époques et la succession des civilisations. L’auteur de l’étude présente, ici, une description scientifique qui montre de façon précise, intense et sélective le lien étroit qui existe entre l’évolution des traitements médicaux et le développement de la civilisation universelle.
Le rapport de l’homme aux plantes médicinales est l’un des facteurs essentiels du développement de la culture et de la civilisation. L’équation est à cet égard immuable : la plante est autant l’amie de l’homme que celui-ci sera l’ami de lui-même et de son environnement. Tout ce qui sert l’homme sert la nature avec toutes ses composantes. Certains philosophes considèrent les plantes médicinales comme des âmes avant que d’être une simple matière inerte. C’est pourquoi ces plantes ont été sacralisées.
L’évolution de l’utilisation des plantes médicinales sur la base de l’héritage populaire a contribué à l’édification de la civilisation universelle. Gail Wagner, professeur d’anthropologie à l’Université de la Caroline du Sud et ancienne dirigeante de la publication Les plantes et les hommes, écrit au sujet de son rapport aux plantes : « Je poursuis ma relation aux végétaux en les plantant et en les consommant, en recherchant au cours de mes voyages les semences, les feuilles et les plantes, en les conservant et en les classant, en marchant dans les jardins, en me promenant autour des plantes, en les touchant de la main et en les identifiant, en effectuant des analyses et des études sur les végétaux, et, plus important encore, en parlant avec les gens qui m’entourent, c’est-à-dire en plantant des végétaux avec les gens pour instaurer l’amour et la communication avec la société.