Revue Spécialiséé Trimestrielle

TEXTILE ET BRODERIE DE LA PALESTINE

Issue 3
TEXTILE ET BRODERIE DE LA PALESTINE

Les deux chercheurs russes Bogdanov Les centres de tapisserie en Palestine étaient connus depuis le Moyen-Âge, en particulier ceux de Safad, d’Al Majdal, d’Al Karam, de Naplouse, d’Abou Dis, de la Galilée ou de Nazareth. C’est dans ces villes que les artisans ont tissé les plus beaux types de tapis, de vêtements, de harnais, de sacs – ceux que l’on utilisait pour les semailles – ainsi que de divers autres accessoires domestiques. L’étude souligne que les informations recueillies par les voyageurs arabes et européens du XIXe siècle montrent que le tissage et la couture comptaient parmi les principales activités professionnelles des populations arabes palestiniennes. De nombreux ateliers ont vu le jour, au cours de cette période, qui fabriquaient divers types de tissus et d’habits. Nazareth comptait, à elle seule, 300 métiers à tisser, et Al Majdel en a possédé jusqu’à 500.

On peut dire que, vers la fin du XIXe siècle, chaque famille avait son propre métier et pratiquait le tissage. La place accordée à l’art de la broderie, en tant qu’il constitue l’une des principales traditions populaires, est un des traits qui distinguent la Palestine d’autres parties de la région arabe. Qui plus est, les Palestiniens ont considéré, au long des siècles et jusqu’à nos jours, cet art comme une activité emblématique, dans la mesure où s’y trouvaient inscrites des indications claires quant à la région d’origine des différents motifs. La broderie revêt ainsi une signification identitaire autant qu’elle constitue le symbole de telle ou telle région du pays.

Cela explique que les habits traditionnels de la femme possèdent une si grande valeur artistique. Ils sont en effet ornés de divers motifs brodés ainsi que de garnitures colorées. Cette conception de l’habit féminin a trouvé sa forme définitive, au cours du XIXe siècle, et perdure jusqu’à nos jours. Ainsi, malgré les évolutions qui ont marqué l’industrie du textile, l’art de la broderie ou d’autres domaines connexes, l’habit de la femme palestinienne a conservé ses caractères spécifiques.

Les études historiques sur les habits traditionnels palestiniens ont commencé, au moment où les premières collections commençaient à être réunies dans les musées. Ces études ont eu d’autant plus d’importance qu’elles permettaient d’identifier des caractéristiques particulières qui reflètent le goût, la psychologie et la mentalité de tel ou tel groupe ethnique et qui, associés avec d’autres éléments artistiques, permettent de déterminer un étape précise de son évolution historique, comme c’est le cas pour bien d’autres peuples du monde. Que ces habits féminins de la Palestine portent ou pas la marque particulière de telle ou telle région de cette terre, il n’en existe pas moins des traits généraux qui sont largement représentatifs des traditions profondément enracinées et des réalités tout autant économiques que culturelles de cette terre.

L’étude souligne que la broderie fait partie des formes d’artisanat qui ont évolué en Palestine de façon notable et singulière. Les artisans ont en effet développé dans ce secteur des moyens et des techniques sophistiqués ainsi qu’une grande variété de formes tels que le mutasaleb (points de croix) ; al qotb ou al gharaz (le pivot ou point de couture) ou le tathbit (la fixation) qui désigne la fixation de gros fils de soie ou d’or sur le tissu. L’une des caractéristiques de ces broderies est leur grande variété, au plan de la gradation des tonalités qui vont du brun ou du rouge foncé jusqu’au carmin ou au bordeaux. Les ornements au moyen des fils d’or ou de soie augmentent ou diminuent selon le type de tissu : coton, soie, velours ou atlas. Des formes et des techniques variées peuvent être utilisées en même temps et dans une seule et même robe.

Le trait distinctif qui se retrouve dans les différents types d’habits palestiniens consiste dans la cohésion des éléments de base qui en caractérisent l’évolution. Les ornements et broderies reflètent, en ce qu’elle a d’essentiel et de spécifique, la sensibilité artistique du peuple palestinien, conjuguée à la conscience qu’il a de son appartenance à l’aire culturelle arabe.

Dr. Nirane Kilano - Iraq

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