AL ‘AJA : UNE POUPEE TRADITIONNELLE POUR ENFANTS DU SUD DE LA JORDANIE
Issue 9
Ce jouet est réservé aux seuls enfants de sexe féminin et son nom est connu parmi les tribus bédouines du sud de la Jordanie, comme celles des ‘Amarines de la région de Pétra ou celles qui vivent dans la région de Wadi Roum.
Le nom de Al ‘aja est l’origine inconnue. En langue arabe, le mot désigne littéralement un objet en ivoire. On trouve, dans le vieux dictionnaire Lissan al ‘arab (La langue des Arabes), la définition suivante « Al ‘aja : bracelet en ivoire que la femme porte à son bras, on l’appelle aussi al massaka. » Le dictionnaire Al Sîhâh (Les mots exacts) précise : « Al ‘aj : Mot pluriel : défense de l’éléphant ; au singulier :
Al ‘aja. » Ces définitions ne renvoient nullement à la poupée traditionnelle, appelée Al ‘aja, qui est faite de morceaux de tissu ou de matériaux voisins. Ce nom témoignerait donc d’une longue histoire, suggérant que cette poupée était, au départ, fabriquée avec de l’ivoire et que ce matériau aurait, peu à peu, été remplacé par du tissu, en raison de l’évolution des conditions climatiques et/ou économiques, si bien que seule la dénomination aurait subsisté. Une telle hypothèse est confortée par certains dialectes locaux où le mot Al ‘aja désigne les camélidés.
les camélidés. Les broderies et les produits de l’artisanat constituent certaines des formes les plus importantes du patrimoine culturel immatériel (intangible cultural heritage) dont diverses manifestations ont été perdues ou sont menacées de disparition, du fait des mutations rapides de notre époque. L’ouverture des marchés arabes sur le reste du monde a fait que des produits culturels sans rapport avec les traditions locales ont envahi les étals, dont, notamment, les poupées, sous toutes leurs formes. Celles-ci, et tous les autres types de jouets, ont, bien évidemment, un impact des plus importants sur l’évolution de l’enfant, au cours de ses premières années, et, en même temps, une influence positive sur le développement de ses facultés
sensorielles, affectives et mentales, ce qui lui permettra, par la suite, de s’adapter au mieux à la vie scolaire. De nombreuses études scientifiques ont, du reste, montré que la forme matérielle des poupées et autres jouets contribue, de façon sensible, à stimuler l’imagination et les réactions de l’enfant ainsi que son appréhension des réalités matérielles et intellectuelles. De même, des études sur la psychologie de l’enfant ont-elles souligné que poupées et autres types de jouets contribuent à la formation de la personnalité de l’enfant, insistant sur la nécessité que tous ces jouets soient choisis avec la plus grande attention.
On comprend, dès lors, qu’il soit si important, aujourd’hui, que la fabrication de cet objet culturel qu’est la poupée appelée Al ‘aja soit relancée, et d’abord en raison du rôle éducatif et psychologique qu’elle joue chez la petite fille, en cohérence avec son environnement culturel local. Une comparaison entre la forme de cette poupée et celle de la poupée mondialement connue sous le nom de Barbie serait à cet égard très éclairante.
Saad ATTWAISSI (Jordanie)
Mansour AL CHEGUIRET (Jordanie)