Revue Spécialiséé Trimestrielle

POUDRE ET CARABINE DANS LA FANTASIA EN ALGÉRIE

Issue 64
POUDRE ET CARABINE DANS LA FANTASIA EN ALGÉRIE

Dr Mabrouk Boutakouka

Algérie

Le fusil s’est lié dans l’imaginaire populaire aux valeurs de chevalerie ou de virilité. Il est devenu partie intégrante des coutumes ancestrales qui sacralisent la bravoure, l’honneur et l’héroïsme, toutes valeurs inséparables de ceux qui manient cette arme. Détenir ce genre de fusil a toujours été en effet synonyme de force, d’autorité et de pouvoir autant qu’il est la marque d’un caractère bien trempé, celui de l’homme en charge de protéger la tribu et l’État face aux envahisseurs et de défendre le territoire contre les attaques et les périls extérieurs. Les fusils sont également liés à la lutte contre les colonisateurs. Les valeureux moudjahidine en ont fait l’arme du combat qu’ils ont mené pour repousser les forces d’occupation. Mais, en temps de paix, ce fusil se transforme d’arme de guerre en élément de spectacle et d’exhibition, il devient cette carabine qui participe aux événements sociaux et aux fêtes populaires par les coups de feu qui sont tirés et par la fumée et l’odeur de poudre qui imprègnent l’atmosphère et donnent encore plus de force et d’enthousiasme aux cris passionnés de la foule. La poudre est, au cours de ces fêtes, un élément incontournable de la fantasia. Elle joue un rôle si important que l’événement lui-même est désormais appelé le jeu de la poudre. 

La fantasia est donc une manifestation publique au cours de laquelle les cavaliers montés sur leurs chevaux miment les combats qu’ils sont censés livrer à travers de belles représentations rituelles. Sans la poudre, c’est en fait toute la saveur de la fantasia qui se perd, et dès lors, c’est l’événement dans sa totalité qui devient incolore, inodore, insipide.  

Le fusil utilisé est connu dans les diverses régions d’Algérie sous des appellations aussi notoires que : al mokhla ; al toubjiya ; al karabina ; al fouchi ; al tabanja ; al qardiya ; al mkafakh ; al magroun ou as-sentra. D’autres noms existent également, ils sont inégalement répartis à travers les provinces du pays, leurs origines linguistiques diffèrent selon des paramètres que l’auteur explique à travers l’étude de leurs racines linguistiques et de leur développement historique. 

Pour ce qui est de la fantasia, le mot mokhla est d’habitude appliqué en Algérie aux fusils de chasse importés de l’étranger. La mokhla est armée de cartouches remplies d’une poudre spécifique à la fantasia et aux cérémonies de mariage que l’on appelle baroud arrassi (littéralement : poudre pour les mariages), alors que le mot toubjiya (pluriel touabej) désigne des fusils de fabrication locale faits avec des matériaux tels que le bois ou les tiges de fer. Ceux-ci sont directement remplis de poudre et sont confectionnés par d’habiles artisans. Ces touabej relèvent du patrimoine populaire le plus authentique. 

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