LES BIJOUX EGYPTIENS TRESOR DES RICHES ET ORNEMENT DES GENS SIMPLES
Issue 6
L ’auteur propose une carte des bijoux égyptiens, selon les régions et le type de travail de l’or, qui fait apparaître de nombreuses et très importantes variations, au niveau du détail, faisant que chacune de ces régions a un style et des particularités qui lui donnent son identité et la distinguent des autres. De même, les origines historique et raciale ainsi que l’environnement et le mode vestimentaire constituent des critères qui permettent de définir le type de bijoux de chaque région. Sur cette base, l’auteur propose de diviser les bijoux égyptiens en trois grands ensembles : les bijoux nubiens, les bijoux sahraouis et les bijoux des couches populaires et des paysans.
Il rappelle que les bijoux nubiens sont considérés comme une donnée folklorique unique en son genre en même temps qu’un reflet exact des traditions et rites sociaux des Nubiens. Les raisons qui sont à l’origine des formes et des thèmes spécifiques aux bijoux de cette région nous font remonter au temps des anciens Egyptiens, ce qui est notamment perceptible dans la manière dont se portent les boucles d’oreilles. Le croissant que l’on retrouve dans de nombreux types de bijoux témoigne, en revanche, de l’influence islamique ; il est souvent au centre du collier et les boucles d’oreilles sont la plupart du temps inspirés de cette forme. Une des explications possibles est que les Turcs ottomans, à l’époque où ils gouvernaient l’Egypte, envoyaient des expéditions militaires dans les différentes contrées de la Nubie et leurs détachements étaient toujours précédés du drapeau ottoman qui s’ornait en son centre d’un immense croissant, de sorte que le mot ‘alam (drapeau) est devenu l’un des symboles importants de l’esthétique vestimentaire de ces populations. L’influence chrétienne est également très présente dans les bijoux des Nubiens Fadjas, notamment si l’on considère cette pièce en or appelée Qassat ar-rahman qui a la forme d’un triangle quasi-équilatéral et dont se parent les femmes mariées.
Cette pièce ressemble à la croix que les européennes ont également portée sur leur front, au moyen-âge. Nous trouvons aussi le siwar ar-razân qui consiste en une série de coquillages assemblés à la manière du siwar (bracelet) byzantin. L’influence africaine est, en revanche, clairement perceptible dans l’anneau appelé zemam dont on perce le nez et dont l’usage est très répandu parmi les femmes nubiennes. Les bijoux jouent un rôle important dans les rites de la nuptialité chez les Nubiens pour qui la cérémonie du mariage occupe une place centrale et où les bijoux représentent la part essentielle du mehr (dot) offert à la mariée par son futur époux. En fait le premier volet du mehr consiste en une certaine somme d’argent, présentée à l’intérieur d’une enveloppe scellée, et le deuxième en divers bijoux en or et en argent.
Le mehr est offert publiquement et chaque pièce est exhibée aux yeux de l’assistance, de manière à ce que chacun puisse l’examiner.
Une cérémonie spéciale est organisée à cette occasion dont le rituel varie d’une tribu à l’autre. Le dessin des bijoux sahraouis est, par contre, d’une grande simplicité et leur travail pour ainsi dire rudimentaire, sauf dans l’oasis de Siwah qui constitue une exception. Cette austérité s’explique probablement par la pauvreté des ressources naturelles en tant qu’elles constituent un sujet d’inspiration pour les orfèvres, à moins qu’elle ne témoigne du peu d’intérêt que les bédouins et leurs familles attachent depuis les temps anciens aux bijoux. Cela explique que les orfèvres se soient tournés vers les régions où il existe une forte demande sur l’or et qui sont les zones les plus riches du delta et des deux rives du Nil.
Pour les bijoux populaires et ceux des paysans, ils se caractérisent par la finesse et la richesse de leur conception et par la précision extrême des liaisons entre leurs différentes composantes, comme on le voit dans les formes plates ou tridimensionnelles. Ces bijoux sont habituellement légers afin que leur prix reste raisonnable. Ils témoignent de l’influence du milieu égyptien et plus particulièrement de la culture populaire et rurale. Les dessins s’inspirent des arbres à petites feuilles ou des grands yeux des jeunes filles ou encore du flux millénaire du Nil.
Achraf Awiss- EGYPTE