Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES FORMES STYLISTIQUES DU SERMENT DANS LE DIALECTE MAROCAIN Étude fonctionnelle

Issue 59
LES FORMES STYLISTIQUES DU SERMENT  DANS LE DIALECTE MAROCAIN Étude fonctionnelle

Dr. Abdelali Ahmamou. Maroc

Cette étude vise à examiner les emplois linguistiques relatifs aux différents types de serment dans le dialecte marocain. Diverses occurrences ont été collectées au cours d’une période de quatre mois à partir d’entretiens directs et du suivi de plusieurs pages de sites sociaux, mais aussi à partir de questions personnellement posées à un échantillon de personnes cibles, de divers âges, sexes et niveaux culturels et sociaux. L’auteur a en outre été fidèle au principe de fréquentation assidue des personnes interrogées qui lui a permis d’enregistrer la plupart des formes les plus courantes de serments exprimés dans les situations les plus diverses. 

L’usage très étendu du serment chez les Marocains a conduit l’auteur à mener une enquête fonctionnelle approfondie sur ce type de discours. Le travail de recensement s’est fondé sur la description et l’analyse de la matière collectée, puis sur la technique de l’observation directe en vue de déterminer les types de serment en usage. L’étude a permis de montrer que le serment a diverses finalités, notamment l’expression d’une acceptation, d’une excuse, d’une complaisance, d’une menace, etc.  

Le but de cette recherche est donc de comprendre le discours du serment en arabe dialectal marocain à travers un corpus formé par les prestations d’un groupe de personnes triées sur le volet et appartenant à diverses catégories d’âge, de sexe et de niveau culturel. Les types de serment varient selon le désir et la finalité discursive du locuteur. L’auteur a pu noter le retour fréquent de l’expression Wallahi (par Dieu), employée à des fins aussi diverses que la menace, l’acceptation, l’atténuation d’une sollicitation ou d’une interrogation, la formulation à l’intention du destinataire d’une excuse, d’un conseil, d’une forme de complaisance… 

Il est certain que les Marocains sont convaincus que le serment est un acte peu souhaitable et qu’il convient de l’éviter. Mais qui prête une oreille attentive à la parole de ces citoyens ne peut que constater la multiplicité des formes de serments en usage dans la conversation ordinaire. Il notera en outre le lien étroit entre ces types de discours et la religion musulmane, avec fort souvent le maintien de structures propres à l’arabe littéral, qu’il s’agisse du waw (wa-llahi) que du b (bi-llahi) ou des verbes signifiant : je jure. 

Même si le serment doit toujours s’appuyer sur le seul nom de Dieu, ou sur l’un de Ses noms de belle venue ou encore sur l’une de ses hautes vertus, on observe que les Marocains recourent à un grand nombre d’autres locutions, quand bien même ils savent qu’il y a hérésie à associer qui que ce soit au nom du Très-Haut. Ces formules se rencontrent en outre plus fréquemment chez les personnes peu ou non scolarisées, les analphabètes ou celles à faible revenu. 

L’étude recommande sur la base de ces données de poursuivre les recherches sur le discours du serment dans le dialecte marocain en se fondant sur de plus amples collectes d’exemples, sur des corpus plus étendus et sur des occurrences stylistiques différant de celles qui ont été examinés dans cette étude. Elle recommande également de prendre appui sur la linguistique comparée à travers la confrontation des serments prononcés en dialectal marocain avec ceux qui se rencontrent dans les autres dialectes issus de l’arabe classique. Nul doute que ces comparaisons ne contribuent à mettre en évidence les convergences et les divergences linguistiques dans le monde arabe autour de ce type de discours.

Toute Issues