Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE DISOURS CORPOREL ET SES EXPRESSIONS SIGNIFIANTES CHEZ LES ENSEMBLES GAW GAW DANS LE SUD TUNISIEN

Issue 58
LE DISOURS CORPOREL ET SES EXPRESSIONS SIGNIFIANTES  CHEZ LES ENSEMBLES GAW GAW DANS LE SUD TUNISIEN

Dr Mongi Souayi

Tunisie

La danse est considérée comme l’une des expressions mimétiques les plus importantes. Elle se fonde en effet sur des attitudes corporelles que l’homme a développées depuis les âges les plus lointains. La plupart des sources et des références historiques et sociologiques considèrent la civilisation pharaonique comme l’une des plus anciennes à avoir fait de la danse une pratique artistique festive, l’élevant au rang de « rite sacré ordonné par les prêtres et sanctifié par la tradition, rite qui occupa à ces époques une place éminente. Les hommes de ce temps œuvraient en effet inlassablement à parfaire les mouvements magiques liés à ce rite, à tel point que les Égyptiens qui avaient donné la primauté à la danse sur les autres arts étaient parvenus à un niveau d’excellence et de sacralité qu’aucune autre nation ne pouvait leur disputer. » 

Les groupes de Stambeli (ensembles de musiciens et de danseurs de race noire) – qui se sont perpétués en Tunisie, se répandant dans les différentes régions du pays, notamment sous les dénominations de Sidi Saad à Tunis et à Djerba, de Sidi Mansour à Sfax ou de Sidi Marzoug al Ajmi à Gabès et à Kébili – sont le meilleur témoignage de la place qu’occupe ce type de psychodrame thérapeutique qui a trouvé dans la culture populaire micro-sociale un espace approprié pour développer des démarches curatives communes. 

Les ensembles artistiques appelés Gaw Gaw sont parmi les plus importants du Sud Est tunisien. Ils se composent en totalité de membres appartenant aux minorités de race noire de la région dont le talent est reconnu aussi bien dans le domaine de la musique instrumentale que des mouvements corporels liés à des formes de danse exigeant des performances physiques hors norme. Il convient de noter que ces troupes qui ont fait de la danse une part importante de leur répertoire continuent à ce jour à pratiquer cet art par lequel ils perpétuent leur réputation et leurs traditions authentiques. Deux d’entre elles se sont fixées depuis leur création, voilà un demi-siècle, dans deux régions voisines en se faisant connaître sous les noms de Gaw Gaw Djerba et Gaw Gaw Zarzis. 

Le nom de Gaw Gaw a été donné à ces ensembles artistiques sans que personne ne sût avec précision d’où venait ce mot, à moins que l’on n’excepte cette hypothèse à laquelle les membres des deux groupes ont unanimement souscrit et qui veut que les musiciens avaient repris un surnom donné à un homme appelé Kaddour Bouchahma qui travaillait dans le secteur de l’animation touristique, surnom qui leur a paru plus facile à mémoriser et à prononcer par les touristes étrangers que les autres désignations, telles que nouba des noirs ou takhmira (transe), par lesquelles ces ensembles s’étaient fait connaître auprès des populations autochtones. Un témoin, également membre de l’un de ces groupes, a estimé pour sa part que Gaw Gaw est une déformation de Gougui qui est le nom africain de l’instrument appelé gombri toujours en usage chez ces troupes artistiques. Mais ce genre de témoignage paraît contredire les faits attestés, le mot Gaw Gaw étant connu depuis l’apparition de ces ensembles dans la région du Sud-Est tunisien à la fin du XIXe siècle, époque où la traite des noirs qui sévissait entre diverses cités de l’Afrique subsaharienne et d’autres du nord du continent avait atteint son point culminant.

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