LES MODES DE FABRICATION DES HANTOURS ET DES VOITURES KARO ETUDE ANTHROPOLOGIQUE SUR LE DISTRICT DE DAGHALIA
Issue 5
à l’Egypte, appelés niçf dawaran (demi rond) dont la banquette arrière est arrondie sur les côtés et qui sont plus résistants que les modèles importés. On trouvait également de nombreux autres types de voitures, comme le modèle italien dit rochelle qui était importé de France, le niçf dawaran dont nous venons de parler, le bisabé qui est entièrement fermé, le combile dont vient, en raison de la ressemblance, le mot automobile (voiture, en langue française) et qui était utilisé lors des cérémonies de mariage.
Ce que le hantour a de plus remarquable ce sont les motifs ornementaux dont l’artisan ou le conducteur pare la voiture et qui sont, le plus souvent, en cuivre. Ces motifs consistent en différents dessins d’une certaine épaisseur qui symbolisent l’abondance de biens et l’importance de la progéniture dans la tradition populaire. D’autres motifs sont également utilisés comme la khamsa et la khemissa (doigts de Fatma) que l’on appelle keffa, le cercle dont l’intérieur est ajouré ou le demi cercle. Tous ces dessins sont supposés protéger la voiture contre l’oeil de l’envieux. Un fanal est fixé de chaque côté de la voiture qui est également fabriqué en cuivre.
Le cuivre représente à l’évidence le principal élément de décoration du hantour. Les marches, le capot, le dossier du siège du conducteur (que l’on appelle communément le drabzîne et dont la structure est en acier) sont recouverts de feuilles de cuivre, à la manière de certaines chaises qui sont ornées d’une feuille d’or, sauf qu’ici il s’agit d’une bande de cuivre jaune enveloppant le drabzîne. Sont également en cuivre les clochettes qui se font entendre à côté du trot des chevaux lorsqu’un obstacle se présente sur le chemin de la voiture.
Cette clochette consiste en un boîtier sphérique contenant un mécanisme, également en cuivre, qui exerce une pression sur une languette, laquelle vient frapper le côté droit de deux pots en cuivre. La clochette est fixée sous la plateforme du hantour et un levier en ressort que le conducteur actionne du pied pour déclencher le mécanisme qui fait résonner les deux pots en cuivre.
L’élément vivant du hantour est le cheval qui est revêtu d’un harnais (la ‘aidda) composé d’une partie centrale (le sar’a) et d’un grand collier (la raqbya). La fabrication de la ‘aidda est confiée à un sellier ; le sar’a est attaché aux deux côtés de la voiture par deux ‘arichs le ‘ariche étant une tige de bois peint ou enveloppé de cuir. Le cheval travaille environ douze heures par jour ; sa nourriture, qui se compose de maïs, de fèves et/ou de fourrage mais surtout d’orge, cette céréale étant considérée comme l’aliment de base, revenait à près de trois livres. C’est à l’âge de deux ans et demi que le cheval est attelé au hantour, mais il doit avoir été soumis auparavant à des exercices ardus d’entraînement au trait. Il reste en activité jusqu’à l’âge de dix ans ou un peu plus tard.
L’usage du hantour a varié d’une époque à l’autre et d’une ville à l’autre. A la fin du XIXe siècle il était considéré comme le principal moyen de transport pour les membres de la haute société, les gens du peuple utilisant les bestiaux dans leurs déplacements. Mais les différentes catégories sociales ont commencé, au début du XXe siècle, à y recourir de plus en plus massivement jusqu’à ce qu’il fût supplanté par les transports publics, omnibus, tramways, puis autobus. Mais l’usage du hantour a perduré, particulièrement dans les zones non couvertes par les transports publics, il est également utilisé par ceux qui veulent se déplacer seuls.
Des témoins d’un certain âge rapportent qu’une grande foule de hantours stationnaient devant les gares de chemin de fer des différentes villes, en particulier devant la station de Bab el Hadid. L’un d’entre eux raconte que, dans les années 40 du siècle dernier, il prenait le Hantour de cette station pour se rendre au quartier de Menil pour la somme de cinq piastres. Ce véhicule remplit aujourd’hui la même fonction dans les chefs-lieux des préfectures ainsi que dans certaines villes dont les dimensions sont trop réduites pour que l’usage des taxis puisse se développer. Le hantour est très utilisé en hiver dans des petites villes de sous-préfecture comme Belkes, Charbine, Senblaouine, Dekrens, Al Menzila ou Al Matariya.
Belkes et Charbine se distinguent des autres villes et villages de la Daghalia par l’importance de la fabrication des hantours. Il s’agit d’un artisanat hérité de père en fils ; l’atelier se trouve sur une voie secondaire à l’intérieur de la ville, sa surface est d’environ 100 mètres carrés et le hangar où sont stockées les voitures qui sortent de l’atelier se trouve à 500 mètres, il est d’une superficie de 300 mètres carrés. L’auteur présente en outre un tableau historique rapide de cette activité artisanale dans la région étudiée, remontant à ses origines et en suivant le développement, tout en soulignant l’importance qu’elle revêt aux yeux de ceux qui s’y consacrent.
les Marges
1- Hantour; pl. (en arabe)Hanatir: Mot du dialecte égyptien désignant une sorte de calèche tirée par un cheval.
Mohamed Ghanim - EGYPTE