Revue Spécialiséé Trimestrielle

LE POISSON ET SA SYMBOLIQUE DANS L’ILE DE TAROUT

Issue 37
LE POISSON ET SA SYMBOLIQUE  DANS L’ILE DE TAROUT

Jaafar Al Bahrany

 

L’île de Tarout a suscité, au long de son histoire, la convoitise de nombreux conquérants et envahisseurs, en raison de la stabilité et de l’hospitalité qu’offrent ses terres fertiles et ses eaux abondantes, outre qu’elle constitue un lieu stratégique du fait de sa situation sur les routes du commerce maritime dans la région du Golfe et de ses ports et abris naturels qui ont grandement contribué aux multiples activités qui s’y sont développés, qu’il s’agisse d’agriculture, de pêche ou de commerce. Aussi est-elle tôt devenue un lieu d’émigration de et vers les régions voisines, de Bassora, au nord, jusqu’à Oman, au sud, et de Nedjd, à l’ouest jusqu’à Al Ahwaz, Al Muhammarah et sa province, à l’est.

L’île de Tarout a subi, à travers les âges, de nombreuses influences liées à l’expansion du commerce dans l’ensemble de la région du Golfe et de la grande Syrie. Diverses civilisations y laissèrent leur empreinte, depuis l’aube de l’histoire jusqu’à nos jours, tant au plan spirituel qu’intellectuel ou culturel.

La symbolique du poisson dans cette île, qu’il soit offert frais pour annoncer un mariage ou qu’il prenne d’autres significations sociales, témoigne de la trace laissée dans totalité de la région par les civilisations anciennes qui s’y sont succédée et où le poisson a, sans aucun doute, revêtu une symbolique particulière. On sait en effet que les poissons ont toujours occupé une place importante dans les vieilles civilisations qui les ont entourés d’une riche symbolique. Les habitants de l’île de Tarout ne pouvaient à cet égard qu’être influencés par les civilisations dont ils étaient environnés, celle de la Perse, celle du Sind ou celle du sud de la Presqu’île arabique.

La consommation des poissons et des mollusques après qu’ils ont été salés et séchés est une tradition héritée depuis la nuit des temps, dans l’île de Tarout. La chair peut aussi bien être consommée à l’état brut que dessalée à l’eau ou bouillie avec de l’oignon et accompagnée de divers légumes. Cette méthode de cuisson existe dans Tarout mais aussi dans d’autres régions du Golfe où les familles mettent les poissons et les mollusques à sécher afin de les conserver pour les froides journées d’hiver.

Le poisson séché fait partie des traditions culinaires les plus anciennes. Cette pratique était largement répandue chez les Sumériens qui étendirent leur influence à l’ensemble des cités qui les environnaient du fait des importantes relations commerciales que celles-ci entretenaient avec Sumer.

Si l’une des traditions des habitants de Tarout était de distribuer le poisson frais, à titre d’annonce d’une cérémonie de mariage, leurs descendants continuent, aujourd’hui à faire l’offrande de poissons séchés dans le cadre d’un rite de célébration de la fête de la Vierge Marie.

Voilà qui confirme la symbolique particulière que les populations de cette île n’ont cessé d’attacher au poisson pour tout ce qui concerne la socialisation des épousailles. Le poisson frais est en effet d’abord offert lors de la conclusion du contrat entre les familles, il signifie alors le début d’un nouveau processus devant conduire à un mariage et ouvrir la voie à une nouvelle vie familiale. Le poisson grillé est ensuite présenté, accompagné de riz cuit dans le sirop de palmier, à la veille de la cérémonie pour signifier le parachèvement du processus.

En d’autres circonstances, le poisson séché symbolise la fin de la vie lorsqu’il est offert pour célébrer l’anniversaire de la mort de la Vierge Marie.

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