Revue Spécialiséé Trimestrielle

PATRIMOINE POPULAIRE PALESTINIEN: LE TABOUN MENACE DE DISPARTION Le taboun a été dans le passé le four, le fournil et la cuisinière de la famille palestinienne

Issue 34
PATRIMOINE POPULAIRE PALESTINIEN: LE TABOUN MENACE DE DISPARTION Le taboun a été dans le passé le four, le fournil et la cuisinière de la famille palestinienne

Dr Suleiman al Khawaja

(N.B: Le taboun a été dans le passé le four, le fournil et la cuisinière de la famille palestinienne.)

Le patrimoine du peule palestinien est, tout autant que le patrimoine des autres peuples, riche en matériaux et ustensiles venus des temps anciens qui sont révélateurs des goûts, orientations et modes de vie, de pensée, de comportement des hommes dont ils reflètent bien des aspects de leur  sensibilité, de leurs aspirations et de leur vie affective. L’intérêt scientifique pour le patrimoine populaire des différentes nations du monde ne cesse de se développer. Ce patrimoine est aussi ancien que l’homme et la vie sociale car l’homme n’a cessé de se déplacer depuis les temps les plus reculés à travers les contrées ; il a observé, entendu ; il a médité sur les multiples manifestations et coutumes héritées du passé qui ont pu lui paraître étranges et auxquelles il a tenté de trouver des explications et des justifications.

La littérature populaire comprend, quant à elle, divers domaines, ceux, notamment, des mythes, des contes et légendes, des proverbes et dictons populaires, des dialectes et idiomes, des anecdotes, des devinettes, des matériaux en usage dans tel ou tel milieu (la maison, le champ, le pâturage, etc.)

Le taboun est une sorte de moule en terre ouvert vers le haut qui sert en premier lieu à cuire le pain. Sa structure est faite de terre contenant du gypse que l’on mélange à de l’eau et à de la paille avant de l’exposer au soleil pour la faire sécher. Le taboun est ensuite enterré sous de la cendre et des crottes d’animaux séchées (zebel). On pose sur l’ouverture du taboun une plaque métallique spéciale, après avoir placé à l’intérieur des pierres sphériques appelées razhaf sur lesquelles on aura allumé le feu jusqu’à obtenir une température suffisante pour la cuisson de la pâte. Le même niveau de température doit être maintenu en rajoutant quotidiennement du zebel d’animaux à l’intérieur du taboun.

Les paysans ont également utilisé le taboun pour se chauffer en enfouissant du bois dans le zebel  et en  laissant le feu brûler pendant une demi-journée jusqu’à ce que le bois se transforme en charbon. Le charbon est ensuite extrait des cendres du zebel et placé dans le kanoun (chaufferette traditionnelle).

Le taboun est, en outre, quotidiennement alimenté de matériaux inflammables  à base de zebel, l’opération est appelée tezbil, elle a lieu deux fois par jour, à l’aube et au crépuscule. Ces matériaux proviennent des excréments de bétail ou des débris des noyaux d’olives que l’on recueille dans les pressoirs. Il arrive aussi qu’on mélange ces deux types de détritus. Lorsqu’on a besoin de parvenir  rapidement à la température de cuisson,  le taboun est allumé en mélangeant le zebel  au qaçal (tiges de blé séchées), lequel prend feu de façon instantanée.

Le taboun est considéré comme un élément du patrimoine que certains – surtout de l’ancienne génération –  sont attachés à conserver. Ce type de cuisson donne en effet au pain un goût spécial. En plus, le spectacle du feu qui crépite attire tout naturellement les villageois qui font cercle autour de ce fournil pour échanger les histoires et savourer des mets arabes venus des temps anciens, tandis que les volutes du passé s’élèvent dans les airs avec les arômes de ces nourritures qu’ils dégustent en murmurant religieusement : « Mmm… comme c’est bon !... » Le taboun confère en effet, indubitablement, au pain et à la cuisine une saveur bien plus grande que celle que nous procurent les fours modernes.

Il incombe donc aux jeunes générations de veiller à la conservation de ces coutumes culinaires qui nous viennent de nos ancêtres, lesquels ont âprement lutté pour construire leur pays et donner la meilleure éducation à leurs enfants. Malheureusement, bien souvent les générations actuelles ne montrent qu’indifférence à l’égard de cet héritage que ces aïeux nous ont légué. Les institutions officielles ainsi que les associations doivent s’employer aujourd’hui à faire revivre ce riche patrimoine et à le faire connaître et aimer de nos enfants afin qu’ils apprennent autant qu’il est possible à le préserver.

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